vendredi 4 janvier 2008

Le Vésuve par Pierryl Peytavi (Brownie flash)


Photo Pierryl Peytavi, « Le Vésuve, 2006 » (Brownie flash)


Pierryl vient de m'envoyer les photos qu'il a pris récemment avec un Brownie flash 6x6 cm. Séduit par toute la série, l'une de mes préférées sort toutefois pour moi du lot, très subjectivement, je l'avoue. Elle été prise d'une fenêtre de bus – sans doute suis-je influencé par sa série éponyme à laquelle je viens de consacrer un texte, et mon propre travail au sténopé ! ... ainsi que mon récent séjour dans le Sud de l'Italie –, et montre la vaste baie de Naples, matinale ou crépusculaire. La scène semble fondue dans un flou aussi atmosphérique qu'optique. Avec, en arrière-plan, les rondeurs faussement rassurantes et sensuelles du Vésuve qui détruisit (mais paradoxalement sauvegarda, momifia on le sait) Herculanum et Pompei en 79 ap. J.-C., et se réveilla, cela on le sait moins, il n'y a pas si longtemps, en 1944.


L'objectif de cette toy-camera est de médiocre qualité. Cette fois on est, sans aucun doute, technologiquement dans la « Foto Povera ». Même si je m'en défends une fois de plus, je n'ai pas la tentation, et ne l'ai jamais eu, de dresser une typologie des appareils « pauvres » qui serait le dénominateur commun des acteurs du collectif...


Pourquoi cet « effet », ou plutôt ce sentiment de « fenêtre » ? : je ne l'ai compris qu'après coup : comme dans mes photos prises à la box 6x9, le film à l'intérieur de l'appareil n'était pas parfaitement tendu, bien plaqué et par conséquent a gondolé légèrement. Bien que délimité par des lisérés noirs encadrants mais irréguliers. Par ailleurs, la poussière sur la fenêtre sale génère, tel un calque, un écran qui diffuse la lumière. Comme si Pierryl avait visé à travers unbloc de verre mal taillée aux contours approximatifs. Et en effet, il n'y a rien, au sens propre et figuré de net, de sec, ou de tranchant dans cette image. Mais une douce et rassurante dissolution des apparences... et des dogmes visuels.


Voici une pure « image-sensation », comme l'écrit Serge Tisseron dans Nuage-Soleil (Marval, 1994) à propos des photos de Bernard Plossu, notre ami et mentor commun. Des images qui relèveraient d'une « attention suspendue ». Je parlerais moi d'une concentration dilettante – il s'agit d'un « appareil amateur », ce qui encourage à cette attitude ? – d'un lâcher-prise visuel parfaitement assumé. Voilà ce que j'aime dans cette photo si intemporelle de la baie de Naples. Si je devais ouvrir les yeux pour la première fois et la dernière fois, j'aimerais que ce soit cette image qui s'imprime définitivement sur ma rétine.

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