Vidéogrames extraits du film « Routine »
de Marion Delage de Luget et Benoît Géhanne (film Super-8)
Dans un texte récent, publié ici, j'ai évoqué les relations entre photo d'amateur (qu'elle soit anonyme ou non, ancienne ou contemporaine) et Foto Povera. Reste à évoquer, bien sûr, celles qu'entretient le collectif avec le cinéma d'amateur.
Depuis peu, le festival Pocket Films prime les auteurs de (très) courts-métrages réalisés avec un téléphone mobile. Le phénomène fera l'objet d'un autre texte. Signalons seulement, en quelques lignes, que si certains de ces films sont tournés avec une très basse résolution, donc fortement pixellisés et relevant d'une esthétique « pauvre » – à l'instar des photos numériques prises par Marc Donnadieu ou Bruno Debon –, les fabricants proposent désormais des appareils qui offrent une résolution de 5,0 Megapixels... Est-ce toujours du cinéma cheap ? Je ne crois pas.
La série « Routine » conçue par Marion Delage de Luget et Benoît Géhanne propose une relecture, une citation et en même temps un détournement des conventions des cinéma d'amateur et professionnel particulièrement originale. Glissements, interférences, superpositions, points de friction dans le temps et dans l'espace... Un micro-drame, aussi individuel qu'universel, se joue dans la trame grossie.
Parmi les bobines Super-8 offertes par une amie américaine – la production familiale du père de cette dernière – les deux artistes ont sélectionné des séquences qu'ils ont redimensionné au format du cinémascope (du 4/3 au 2/25). Dans différentes langues, ils incrusté le mot « fin ». Benoît déclare à propos de ce travail : « Nous voulions à la fois montrer le caractère international du cinéma, que l’on a souvent tendance à qualifier de "langage visuel universel" . Et, en même temps, faire référence à des avant-gardes clairement identifiées comme des pratiques locales, spécifiques à une nation : le cinéma "américain", "soviétique", "italien" par ex. Une communauté donnée va se retrouver dans son cinéma. Il y a toujours un enjeu de représentation, d’identification d’un groupe, même dans la science-fiction la plus fantaisiste !…
Dans la série « Routine », nous avons voulu provoquer un frottement entre le vécu très contextualisé d’une famille américaine et ce mot Griffe Raymond Voinquel ; griffe du réalisateur ; griffe du producteur "fin" qui, transcrit en russe, renvoie plutôt à la guerre froide, au cinéma soviétique … On assiste dans ces images à des évènements très ordinaires mais en même rituels, qui soudent la communauté, tels que la parade de la ville : dans une petite rue de San Diego, défilent les membres d’un club de foot, des majorettes, des pompiers, des policiers etc. Au départ, il y a surtout l’idée de s’amuser avec une narration minimale qui dit ironiquement, dès le départ, que "c’est fini", on a raté l’essentiel… » (la suite de l'entretien peut être lue dans « La mémoire est comme un mille-feuilles » sur www.lacritique.org)
Cette métaphore de la mémoire comparée à un mille-feuilles est de Benoît ; ceux qui ont lu le dernier livre de Günter Grass savent qu'il compare, quant à lui, le souvenir à un oignon : « Le souvenir se fonde sur des souvenirs qui a leur tour sont en quête de souvenirs. C'est ainsi qu'il ressemble à l'oignon, dont chaque pelure met à jour des choses depuis bien longtemps oubliés, jusqu'aux dents de lait de la première enfance ; mais ensuite le tranchant du couteau lui donne une autre destination : haché peau à peau, il fait venir des larmes qui troublent le regard. » (Pelures d'oignon, 2006). Un regard flou, qui se trouble comme une image mentale, une image-souvenir : il a souvent été dit et écrit que, justement, les images relevant de la Foto Povera évoquaient cela.
La 4e édition du festival Pocket Films aura lieu les 13-14-15 juin 2008, au Centre Pompidou, Paris.
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