« Un gros chien se tenait devant l'entrée, une grande bête noire, menaçante, qui grognait. Elle distinguait l'éclat de ses dents et de ses yeux. Il fallait qu'elle s'introduise très vite à l'intérieur, elle le savait. [...] Le chien était contre un mur et la regardait, mais elle voyait maintenant qu'il ne lui ferait pas de mal. Sa queue balayait la poussière, et il était si maigre qu'elle distinguait ses côtes sous la fourrure noire, sale et râpée. Ses yeux fous brillaient. Il voulait qu'elle soit bonne envers lui. »
(Doris Lessing, « Debbie et Julie » in Nouvelles de Londres, 1992, p. 14.)
Photo Driss Aroussi,
« Chien de Fezna »
La fourrure de l'animal photographié par Driss Aroussi n'est certes pas noire, mais la bête me fait tellement penser à celle décrite dans la nouvelle de Doris Lessing : j'y retrouve la même violence animale prête a exploser, gueule ouverte, dans un combat qu'on imagine à mort !
Le chien photographié par Pierryl, avec un Brownie 6 x 6 à, Porto, avec sa blanche fourrure laineuse qu'on imagine douce au toucher, qui se détache sur le mur jaune, et prend la rapide tangente canine de l'animal incertain quant au rapport de force animal / humain, est beaucoup plus rassurant que celui décrit par Doris Lessing et celui croisé par Driss ! Celui photographié par Anne-Marie, adorable, attachant bâtard, l'est encore plus (après que nous l'ayions nourri avec les restes de nos casse-croûte, il a bien failli entrer avec nous dans le wagon qui devait nous ramener à Naples... mais nous ne pouvions l'adopter, comment le faire rentrer dans l'avion de notre retour vers la France ?).
Photos Anne-Marie Grapton,
« Quai de la gare d'Ercolano (Herculanum),
septembre 2007 » (Kyocera)
J'ai remarqué que ces animaux errants ou semi-domestiques, menaçants ou affectueux, sont récurrents dans mes photos et celles des amis du collectif Foto Povera (comme les chats d'ailleurs...) : « photographier avec les tripes », mais aussi à hauteur d'animal, voire au ras du sol...
Cela peut sembler une modification infime dans la manière de voir, le rapport au monde, la construction mentale que nous en faisons... mais en réalité c'est un vrai bouleversement des échelles de valeur, des habitudes ; cela met à mal nos prétentieuses conventions antrhopocentristes.
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