vendredi 21 décembre 2007

Ed Lisieski, série « Night Sign Pola » (Polaroïd 600)

Photo Ed Lisieski, série « Night Sign Pola » (Polaroïd 600)

J'ai interrogé récemment Ed Lisieski sur les conditions de réalisation de ses Polaroïds réalisés la nuit. J'aime en effet beaucoup la lumière entre chien et loup de ces images, où les objets, les bâtiments semblent s'animer, palpiter d'un étrange éclat mat. Voici sa réponse :

« I use a One-Step Flash that uses 600 film. I bought it back in the early 90's. One day I plan to post those early shots of my pre-RedButtons days. Occasionally I use a flash, usually only at night and even then it's very limited. Most of my shots are shot on the "dark" setting. I feel the colors are richer. As for a preference of day or night, it is not up to me most of the time. I shot during my commute in the morning and evening to and from work so the lighting is dependent upon what time of day and year I pass by a subject. The series of night time shots from Ritzville were a complete experiment. We arrived at night and were excited to begin shooting so we did. I found that by bouncing a flash against white objects (truck, house, etc.) that I caught only a silhouette of the object. / J’utilise un flash "One-step" qui nécessite une pellicule 600. Je l’ai acheté au début des années 90. J’espère un jour exposer ces anciens clichés du temps d’avant ma période "Red Buttons". J’utilise un flash de temps à autre, le plus souvent seulement la nuit. La plupart de mes clichés sont tirés sur le mode "Noir". Il me semble que cette façon de faire "enrichit" les couleurs. Il m’est égal de photographier de jour ou de nuit. La plupart de mes photos ont été prises lors de mes déplacements au travail – le matin et le soir – c’est pourquoi l’exposition dépend du moment, du jour et de l’année où j’ai photographié le sujet. La série des prises de nuit à Ritzville était totalement une expérimentation. Nous sommes arrivés de nuit et nous étions impatients de commencer à photographier, ce que nous fîmes. J’ai découvert qu’en faisant "rebondir" le flash sur des objets blancs (camions, maisons etc.) j’ai pu isoler la silhouette de chaque sujet.»

Merci à Constance Lewis pour la traduction.

vendredi 7 décembre 2007

Foto Povera & le cinéma amateur (« Routine » de Marion Delage de Luget et Benoît Géhanne)






Vidéogrames extraits du film « Routine »
de Marion Delage de Luget et Benoît Géhanne (film Super-8)


Dans un texte récent, publié ici, j'ai évoqué les relations entre photo d'amateur (qu'elle soit anonyme ou non, ancienne ou contemporaine) et Foto Povera. Reste à évoquer, bien sûr, celles qu'entretient le collectif avec le cinéma d'amateur.


Depuis peu, le festival Pocket Films prime les auteurs de (très) courts-métrages réalisés avec un téléphone mobile. Le phénomène fera l'objet d'un autre texte. Signalons seulement, en quelques lignes, que si certains de ces films sont tournés avec une très basse résolution, donc fortement pixellisés et relevant d'une esthétique « pauvre » – à l'instar des photos numériques prises par Marc Donnadieu ou Bruno Debon –, les fabricants proposent désormais des appareils qui offrent une résolution de 5,0 Megapixels... Est-ce toujours du cinéma cheap ? Je ne crois pas.


La série « Routine » conçue par Marion Delage de Luget et Benoît Géhanne propose une relecture, une citation et en même temps un détournement des conventions des cinéma d'amateur et professionnel particulièrement originale. Glissements, interférences, superpositions, points de friction dans le temps et dans l'espace... Un micro-drame, aussi individuel qu'universel, se joue dans la trame grossie.


Parmi les bobines Super-8 offertes par une amie américaine – la production familiale du père de cette dernière – les deux artistes ont sélectionné des séquences qu'ils ont redimensionné au format du cinémascope (du 4/3 au 2/25). Dans différentes langues, ils incrusté le mot « fin ». Benoît déclare à propos de ce travail : « Nous voulions à la fois montrer le caractère international du cinéma, que l’on a souvent tendance à qualifier de "langage visuel universel" . Et, en même temps, faire référence à des avant-gardes clairement identifiées comme des pratiques locales, spécifiques à une nation : le cinéma "américain", "soviétique", "italien" par ex. Une communauté donnée va se retrouver dans son cinéma. Il y a toujours un enjeu de représentation, d’identification d’un groupe, même dans la science-fiction la plus fantaisiste !…


Dans la série « Routine », nous avons voulu provoquer un frottement entre le vécu très contextualisé d’une famille américaine et ce mot Griffe Raymond Voinquel ; griffe du réalisateur ; griffe du producteur "fin" qui, transcrit en russe, renvoie plutôt à la guerre froide, au cinéma soviétique … On assiste dans ces images à des évènements très ordinaires mais en même rituels, qui soudent la communauté, tels que la parade de la ville : dans une petite rue de San Diego, défilent les membres d’un club de foot, des majorettes, des pompiers, des policiers etc. Au départ, il y a surtout l’idée de s’amuser avec une narration minimale qui dit ironiquement, dès le départ, que "c’est fini", on a raté l’essentiel… » (la suite de l'entretien peut être lue dans « La mémoire est comme un mille-feuilles » sur www.lacritique.org)


Cette métaphore de la mémoire comparée à un mille-feuilles est de Benoît ; ceux qui ont lu le dernier livre de Günter Grass savent qu'il compare, quant à lui, le souvenir à un oignon : « Le souvenir se fonde sur des souvenirs qui a leur tour sont en quête de souvenirs. C'est ainsi qu'il ressemble à l'oignon, dont chaque pelure met à jour des choses depuis bien longtemps oubliés, jusqu'aux dents de lait de la première enfance ; mais ensuite le tranchant du couteau lui donne une autre destination : haché peau à peau, il fait venir des larmes qui troublent le regard. » (Pelures d'oignon, 2006). Un regard flou, qui se trouble comme une image mentale, une image-souvenir : il a souvent été dit et écrit que, justement, les images relevant de la Foto Povera évoquaient cela.


La 4e édition du festival Pocket Films aura lieu les 13-14-15 juin 2008, au Centre Pompidou, Paris.

http://www.festivalpocketfilms.fr/

mercredi 5 décembre 2007

La photographie de métro au Mavica Sony



Photos Yannick Vigouroux, "Paris, 2 déc. 2007",

de la série "Underground" (Mavica Sony)



J'ai continué ce week-end avec mon Mavica Sony la série « Underground » commencé en 2000 avec un Lomo LC-A. Le boîtier est tellement gros qu'il ressemble à un camescope ! J'aime décidément de plus en plus le ronronnement électronique des disquettes sur lesquelles j'enregistre les images.

Chronophotographie & toy-cameras (Jean-Luc Paillé)


Photos Jean-Luc Paillé, "Sans titre, 1996" (Syrus)


« Je me suis intéressé à ce genre de photographie [la Foto Povera] afin de me défaire du carcan technique de la photographie professionnelle qui nous amène à nous entourer du matériel dernier cri. La recherche photographique me passionne depuis la fin des années 70, je travaillais alors sur des montages en infrarouge pour créer des images personnelles. Le choix de travailler avec ce type d'appareil n'est pas uniquement une expérience où le résultat ne compterait guère, au contraire la qualité artistique et la référence à l'utilisation de la photographie sont primordiales. J'ai choisi ces deux photos car elle sont étroitement liées à deux de mes recherches personnelles actuelles. Un travail sur le paysage en couleur et en grand format où se trouvent des petits personnages. Et des mouvements d'images à l'intérieur même de la photographie.»

(Jean-Luc Paillé)


Jean-Luc possède plusieurs Syrus : des appareils-gadget en plastique qui permettent de prendre des chronophotographies, minuscules et lointains héritiers des lourdes chambres en bois utilisées au début du XXe siècle par Muybridge, Marey et Londe.... Il aime insister sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'une pratique ludique, mais bien, dans l'usage qu'il fait d'un tel objet, d'une authentique recherche formelle. Il a découvert ce boîtier au début des années 1990. L'une de ses étudiantes lui avait apporté l'une de ces toy-cameras car elle souhaitait comprendre le mécanisme qui permet d'évoquer le mouvement, grâce à des décalages dans le temps des obturations. Lorsque l'on déclenche, une même vue 24 x 36 est partagée en 4, chaque fragment étant décalé d'1/6 de s. Selon Jean-Luc, une telle pratique est l'opposée de celle du sténopé, dans la mesure où il s'agit de représenter le mouvement (séquentielle, la chronophotographie est, on le sait, l'ancêtre du cinéma) et non l'espace. Je partage son avis, mais je nuancerai toutefois légèrement son point de vue : certains pratiques archaïsantes, palimpsestes de temps et d'espace, sont mixtes, comme celle de Claire Lesteven. En attestent quelques images prises récemment par Remi Guerrin. J'y reviendrai...


La seconde séquence de Jean-Luc évoque beaucoup le mouvement rotatif (c'est d'ailleurs techniquement ce qui se produit dans l'appareil) d'une... roue du destin, de la chance. Ou plus prosaïquement du mouvement d'une roue de bicyclette, dont le principe a d'ailleurs inspiré une série au photographe.