mercredi 12 novembre 2008

« Foto Povera » devient « Foto Povera, des pratiques alternatives »



Photo Yannick Vigouroux, « Djerba, Tunisie, 2000 »,de la série « Littoralités »
Voici la nouvelle adresse de Foto Povera, renommé « Foto Povera, des pratiques alternatives » :

lundi 10 novembre 2008

« Meurtre conjugal dans un appartement parisien (2000), par... la « victime » photographiée




Photos Anne-Marie Grapton (tél. mobile)







« Body writing ou le corps écrit (fiction de mort)

L’exercice exorciste…

Je fais la morte. Je m’essaie à une autre conscience de soi. Je ne fais rien. Je profite de cette vacance du corps. C’est étrange il y a comme un bien. J’ai fait un masque comme un embaumement. Je sens ma peau comme un parfum de fleur et de terre. Je suis ma peau. Le repos. Ne pas plonger en soi mais flotter et poser dans l’air. Comment sortir. Rester là. Un demi-sommeil. Je ne suis plus en proie à. Je suis la proie qui fait le mort. Le vampire est abusé. Le sang n’affleure plus. Il dort.

For Yannick »

(Anne-Marie Grapton)

jeudi 6 novembre 2008

« Meurtre conjugal dans un appartement parisien, 2000 » (roman-photo), par Céline Catucci



Photo Y.Vigouroux, « Exposition Foto Povera 4, Paris, 4 oct. 2008 »




« Meurtre conjugal... » (sur la photo, il s'agit de la frise en noir et blanc, en bas) : j'ai d'abord présenté ce roman-photo criminel, réalisé au Lomo LC-A, dans l'exposition « Lomographie, vues de Paris - 2000 » à la fondation Gilbert Brownstone, à Paris (remerciements à Samantha Barroero, commissaire d'exposition) ; je l'ai à nouveau exposée à Pertuis dans « Le Goût du noir, Festival du roman noir » (2002), et à l'occasion de « Foto Povera 4 off », en octobre dernier.

Voici ce que cette séquence a inspiré à Céline Catucci :


« "Ce soir, je tue ma compagne" dit le serial-killer frustré de ne pas trouver une victime idéale. De nos jours, rien à se mettre sous la dent. Arpenter Paris avec le Lomo à la main de manière monomaniaque excite les papilles. La traquer, l'épier telle une fouine, lui voler ses moments intimes du quotidien, découvrir ses gestes, les connaître, les apprendre, les archiver, est un délice. Prendre en flag, ce petit rien qui exprime tout d'elle. "Mais ce soir je tue ma compagne". Je formule, j'organise, je deviens voyeur et fétichiste. J'arbore un masque et j'attends. Je l'attends dans notre quotidien car je veux la libérer. Ce sont des images instantanées, qui seront comme des souvenirs de vacances. Mais la bête se débat, je n'arrive pas à la tuer, le poignard n'est pas suffisant. Elle se prête au jeu de manière étonnante. La corde du cluedo est excellente, elle l'achève. C'est du Bertillonnage. " Il poignarde sa compagne et s'endort tranquillement" chantent les Béruriers Noirs. Mais tout ceci n'est qu'un film, digne d'un snuff-movie. Bientôt tu pourras marcher sur ta victime….[NB : dans la première exposition les dalles en plastiques étaient posées sur le sol] »

(Céline Catucci)


Remerciements à Céline Catucci, et bien sûr à Anne-marie, l' « actrice » de cette sombre séquence...

lundi 6 octobre 2008

Mon premier Sténopolaroïd


Photo Yannick Vigouroux,
« Window # 1026, 5 octobre 2008 »
(Sténopolaroïd)





A l'occasion de Foto Povera 4 off, j'ai réalisé mon premier Sténopolaroïd dans l'atelier de jean-Luc Paillé

mercredi 27 août 2008

« FOTO MARE MEDI TERRA » (à propos de l'exposition sur les ports méditerranéens à Sanary-sur-Mer, par Véronique Guerrin)



Photo Remi Guerrin,
« Marseille, 2008 »
(Sténopé, tirage au charbon
/ C-Print)



« La Mer au milieu des terres »


À l’origine de notre civilisation occidentale, comme un berceau, un lieu de nativité étonnante, ce bassin Méditerranéen, cette mer aux brassages multiples, métissée par les peuples, les cultures différentes et les vagabondages de la mémoire.

Dans l’Antiquité, les Égyptiens la nommaient « grand vert », d’autres peuples l’appelaient « la mer blanche » … Son ciel est si bleu pourtant qu’il se confond avec son eau profonde et calme. La mer bleue, l’appelle-t-on ainsi aujourd’hui ?

Quelques passants, des bateaux de pêche amarrés ; plus loin, les immeubles blancs, hauts, larges, percés de fenêtres ressemblent à des navires gigantesques, entourent les rivages, cernent le contour des plages.

Les pieds des néréides laissent sur le sable des traces agiles, les fritures argentées brillent dans les paniers qui reposent sous les croisées d’ogives aux variations brodées.

Méridionales migrations, sur cette terre aux villes lasses parfois, vieillissantes également où se cachent la nuit, dans les ports, aux creux chauds des alignements de conteneurs entassés sur les quais, des clandestins, des fugitifs.

Certaines constructions antiques, aux pierres d’opacités usées habillées de grâce et de lueur ébauchent une singulière présence à l’haleine verdoyante, alguée de posidonie. Quelques colonnades poétiques s’élèvent encore… On se croirait en terre de Luz aux grappes scintillantes : la cité bleue où ce qui est caché sous l’amandier est dépouillé par la lumière.





Photo Yannick Vigouroux,
« Tunisie, 2000 » ,
de la série « Littoralités »
(Box 6x9)




Nuit pleine, humide, d’embruns en lieux clos ou d’histoires suspendues là où les friches et les industries développent leurs marelles égarées, cathédrales marines, citadelles géométriques…

Un film raconte, déroule sa bobine, s’arrête comme un bateau à l’embossage. Des négatifs coupés, griffés ou calligraphiés ; les cales sèches, vides et immenses. Dehors, dedans. Hangars aux silhouettes fugitives. Un écho spontané répond à la mouette, la fille se tourne sans fin et tourne encore, danse sur la lagune… Le regard semble se morceler… Mais en fait ce n’est qu’une confrontation.

Quelques formes pâles virevoltent sur les vagues, fantômes au cœur de la bruine, des bruits sourds, corne de brume, marteaux tapés à intervalle réguliers. Le brouillard tombe. Il faudra se diriger au compas, en pleine mer, au cœur de ce silence enveloppant et total. Puis, lorsque tu arriveras vers la plage, tu percevras les jeux des enfants dans l’eau salée. Nuages longs sur le ciel, effluves transportés par le grain violent levé tout à coup ; la baie chavire au pied du volcan, il porte en lui la morsure du temps…

Par la fenêtre du train, je m’obstinais à regarder, je ne voyais que des lambeaux de mémoires : pierres de lave, sculptures antiques, brisées, bateaux échoués ; et des souvenirs : négatifs sur plaque de verre vendus sur les marchés, cartes postales trop colorées, et ces albums qui racontent le mystère de la mer glissant sans fin sur les digues, déplaçant notre vision.

Un jeu de rôle, un jeu drôle, un jeu de môle enchevêtré d'effigies et de plaques de films ; de caprices visuels ou d'iconographies réduites, de photographies austères ou d’images au caractère malicieux. Se présenter, se représenter : la fiction, le leurre de l’absurdité, les miroirs hydrocéphales. Trouver son identité dans le déplacement… La vitesse, capter les flots iridescents qui s'attisent dans le champ visuel, et toujours le voyage, le départ, le retour…

J’imagine ici la violence fulgurante de Méduse dans sa colère, elle qui se moquait de tous et de toutes ; la force de la mort, l’ombre des peurs… La lutte contre l’enchaînement de nos illusions, la perplexité face au regard qui pétrifie, les narcissiques scléroses. Créer, c’est aussi vouloir dominer le temps qui passe, lutter contre la disparition, graver ce qui doit demeurer. Travail de recherche et d’errance aussi, matière en mutation, interrogation, mémoire, circulaire évolution. Où se situe l’irréalité ? Comment trouver l’épilogue ? Y a-il une aventure ?

Un portrait flotte sur la mer, tangue comme une plume de mouette ; une voile grise se déploie sur le sable où tournoient des corps aux bras levés ; les rochers sont immuables, l’écume légère éclabousse les passants. Invitation à un temps de prolongement, de noctambules divagations sur le rivage ensommeillé.

Un monde obscur issu de la nuit se répercute, écho d’un univers galactique souterrain aux ombres éclatées, presque étrangères aux maisons figées, imprégnées de Lacenaire atmosphère. Un enfant joue aux osselets dans une gare abandonnée. Un jeune mousse s’embarque pour un long périple. Des goélands blancs et gris s’envolent… Une jeune femme affolée court dans la forêt. Des spectres se promènent dans la ville. Pourquoi tant de fantômes s’avancent-ils ainsi sur les flots et ne parlent pas, pourquoi sont-ils sans identité et sans mémoire ?

La mort ne se situe jamais là où on l’attend. Elle joue à cache-cache dans les couloirs du métro, entre les poubelles des rues ou les silos des lieux industriels.

Tous ces fils électriques sans oiseau : un automne sans pluie et sans vent… On entend au loin, les talons d’une femme en manteau blanc qui s’éloigne. Dans la petite maison aux volets encore ouverts, un vieil homme fume sa pipe. Le ciel ressemble à un tapis d’où s’envoleront demain les feuillets arrachés d’un album de famille.

Une perspective envoûtante déplace la vision, fait planer la trace de la personne qui venait de passer là. La voiture est mal garée. Une lueur noire et crispante vient à l’oblique de mon regard…

Tout devient noir, ténébreux comme la lave qui coule, suinte, va lentement, inexorablement vers le rivage. Mais…Voilà le soleil qui entre par la lucarne, l’image s’inverse ; La perspective aérienne se pose au centre du rectangle, va au-delà des apparences.

Loin des faux-semblants, des rêves perdus : certains fragments de vie, si denses, s’accrochent et pulsent sur les murs. Mouvements ininterrompus des souffles lourds qui passent sur le port : mélopée archaïque frétillante dans les yeux des poissons, des exhalaisons fortes et persistantes. La monotonie est bouleversée par les nuances qui changent. Linge battu pendu dans les rues, échelle oubliée rongée par le sel marin, une femme qui regarde, penchée à sa fenêtre, les clochers qui dominent la cité. La tension du port oscille alors que les voitures s’arrêtent au feu rouge…

Fahrenheit 451 in Holidays. Une ville absurde maintenant, ouverte comme un ventre de femme qui ne crie plus, où les tourments de la guerre ont dévasté les cités devenues si grises, si opaques… Le ciel déploie sur elles un voile spectral, linceul livide strié de dentelles déchirées. Serait-il possible que ce lieu n’existe plus jamais ? Cette archéologie contemporaine déclinée en tableaux oniriques ne parle pas de ce qui fut tragique, dégradant ou bestial. Ces triptyques, pages qui se tournent dans un livre inachevé, viennent d’une contrée qui me semble si lointaine, si profondément intérieure... L’Eden a changé de place. L’antique chemin des oliviers et des jasmins parfumés esquisse l’amer et le tremblant. La vie s’ouvre sur un autre songe. Les corps allongés à la lisière de la mort exhalent leur dernier souffle. Maintenant, le ciel va s’écarter, abandonner ses blafardes et sauvages patiences pour écrire sur la pointe des yeux la délivrance des inconnus.

Ce n’est pas jouer, ni mentir que de reproduire les paysages métallurgiques en y configurant les silhouettes du futur, en donnant une vie personnelle à ces personnages qui sortent des films d’anticipation… Comment imaginer demain ? Sera-t’il un autre Solaris ? Nous sommes soumis au temps qui passe, à sa fluctuation, à sa dérive… À la mémoire rongée par le sel de l’oubli, au Sacrifice.

Arpenter le port en déambulant. Carnet de notes, de musique…Variation d’une mélodie visuelle… Laisser sourdre de l’agrandissement photographique cette amplification qui devient surface médiatrice, repère.

« Demain au pays de Gulliver » serait le titre du livre de Lilliput… Perdu au bord d’une mer si tranquille, si vaste, dans une image où l’essentiel ne peut être appréhendé, et qui dépend de notre conscience.

Chaque geste engendre un aspect saisi sur le vif comme une insolence ; dominer l’instant ; modeler la matière puis laisser filer le grain de peau, d’argent, de sable entre ses doigts, ses mains ; la mer résonne de chansons et d’odyssées, mobile - immobile en un mouvement qui s’étend, se détend, s’étire.

Des ombres naufragées, un mur courbe, un infini déployé, une immensité confondue, presque dissoute dans l’horizontalité des flots.

Jeux de miroirs et de silhouettes, ciels bleus, chiens errants, drapeaux flottants, l’équilibre du littoral reste sauvage malgré les édifications contemporaines.

Des escaliers de pierres, des graffitis expressifs, un mât dressé, net et tranchant sur le ciel. Des grues colorées bruyantes aux poulies grinçantes qui déchargent les caisses sur le débarcadère encombré.

Du rouge en filigrane, marée rouge, cerises peintes sur le mur, goutte de sang, façade écarlate, tomates ou fleur qui se fane, un dessin dans la flaque d’eau, empreinte de pied qui saute, enfants aux gestes vastes comme un rêve qui ne s’achèvera jamais.

Dolce Vita, la danse dans la nuit. Ici, les discothèques sont vides, les parkings aléatoires, l’immensité dépeuplée interpelle la mer ; il n’y a personne, juste quelques palmiers… J’attends… Il ne fait pas froid dans ma voiture… Qui viendra ici, sous les éclats des néons qui remplacent la lune disparue ?

Je ne sais plus pourquoi je suis venu… J’aurais aimé entrer dans ce bar, écouter de la musique, mais j’attends toujours… Il n’y a personne encore… C’est trop tôt dans le petit matin. Le pirate noir a disparu en pleine mer et son navire a sombré.

Une Petite-Île, il pourrait y avoir là-bas sur la côte un phare qui s’allume la nuit, un port à la criée des poissons frais, des exclamations dans les rues engorgées de circulation, quelques courées paisibles aux alentours d’une église désertée et la longue digue où se faufilent, ombres éternellement anonymes, quelques sans- abris qui fuient la police, les dénonciations, les altercations.

Plusieurs de ces villes cosmopolitaines furent des escales pour l’Argo. La conquête de la toison d’or hante encore ces lieux historiques. Jeux de visages, de corps. L’activité, le déplacement, le quotidien et quelque chose de divergent, presque impalpable, imperceptible mais si tangible, si présent.

C’est toujours le temps qui se souvient, aujourd’hui comme hier ; marcher doucement, respirer l’air du large espace, oublier, ne pas penser, mais être simplement présent. Devant moi, trois gros cailloux blancs et gris ; j’aimerais y incruster des signes, graffiter ces blocs qui ne bougent pas ; dessiner des petits poissons argentés, et sur toute cette jetée de bois, peindre des mots ou des lettres, rouges, jaunes et bleus, d’or dans le soleil levant.

Être dans la blancheur du jour comme dans un instantané de vie, un Polaroïd de clarté.

Je descendrai doucement l’escalier, en me tenant à la rampe ; il n’y a pas de vent pourtant, un silence marin dans un cimetière oriental.

Des lattes de bois ourlées de sables et d’écumes, les amoureux sont assis, joue contre joue, pour l’éternité d’un « The End », comme sur ces bouts de film où était écrit le mot « fin » en différentes langues. Leurs oreilles devenues des coquillages chantent lentement le rythme des flots pélagiques, la sirène allongée sur le récif peigne interminablement ses cheveux face à la lagune; il n’y a plus personne sur la jetée. La mer se plisse face à eux, les rochers blancs semblent immuables, le lampadaire n’éclaire plus rien, ou peut-être le pays des autres rives, vers l’Asie mineure, là où je ne suis jamais allée.

Les amants demeurent assis sur le banc face à la mer et toute l’histoire semble sans fin…

The end.

(Véronique Guerrin)




Ce texte a été écrit pour accompagner l'exposition sur le thème des ports méditerranéens (le catalogue est en préparation) organisée par Philippe Calandre. Ses photographies y seront exposées ainsi que les miennes celles de Remi Guerrin, de Benoît Géhanne, de Christophe Mauberret, et de Pierryl Peytavi.

Un grand merci à Véronique, pour avoir si brillamment répondu à ma proposition !


Le salon d'automne de la ville de Sanary-sur-Mer aura lieu du 19 septembre au 16 novembre 2008, à l’Espace Saint-Nazaire.

mardi 26 août 2008

D'autres « Correspondances » (Phoebe Dingwall et Remi Guerrin)







A l'époque de la préparation de l'exposition « Correspondances, Bernard Plossu / Yannick » à l'opal Gallery d'Atlanta, et pendant celle-ci, de mai à Juin 2008, Phoebe Dingwall et Remi Guerrin ont aussi travaillé ensemble autour de la même notion.

Découvrez, grâce au très beau texte de Véronique Guerrin, ce que cette dernière nomme « un jardin d’enfance et de rencontres » sur :http://yvigouroux.blogspot.com/2008/08/correspondances-un-jardin-denfance-et.html


L'exposition « Correspondances (Phoebe Dingwall et Remi Guerrin) » est présentée
à l'Espace 36
36, rue Gambetta
62 500 Saint-Omer

Ouvert du mardi au samedi de 15 h 00 à 18 h 00

Tél : 03 21 88 93 70

lundi 18 août 2008

Un nouvel autoportrait de Marc CC (sténopé)

Photo Marc CC,
« Autoportrait à la fenêtre, 2008 »
(sténopé)





Marc CC m'a envoyé un nouvel e-mail :

« Bonjour Yannick,

je voulais vous envoyer une photo qui me plait tout particulièrement...
Cela fait un moment que je travaille au sténopé avec, comme support photosensible, du simple papier photo... j'aime me dire que le traitement de l'image se fait de A à Z.
Bref, en plus il y a l'élément " fenêtre " qui vous plait tant..
Amicalement,
Marc. » (14 août 2008)



En effet, cet autoportrait à la fenêtre me plait beaucoup : j'aime ce corps et ce visage qui restent dans l'ombre, présence sombre, massive – le bras droit appuyé sur la rambarde, flou et vibrant comme sous une décharge électrique (l'intensité de concentration ou de lâcher-prise que réclame un tel autoportrait ?) – , et en même temps étrangement immatérielle. Une forme d'anti-portrait... L'image ne nous renseigne en rien, comme dans un précédent autoportrait (http://fotopovera.blogspot.com/2008/04/autoportrait-6-x-9-box-camera-de-marc.html)
, sur lequel j'avais écrit, sur les traits de la personne. Et pourtant l'image est tellement habitée par cette présence... S'abstraire du monde, dans un état de flottement mental et matériel, fantôme de soi-même, spectre argentique, pour se sentir exister plus ? Mieux éprouver cet être-là ? C'est ce que je tente sans doute de faire aussi, dans mes propres autoportraits numériques flous, depuis plusieurs mois.


jeudi 14 août 2008

De la mise en cage à la mise en boîte : les nouvelles photographies de Benoît Gehanne ( 2008)


Photo Benoît Gehanne,
« Canari, 2008 »





Selon moi, ces images sont l' illustration littérale de l'enfermement du sujet par la prise de vue et surtout ironique de la formule consacrée utilisée par les photographes face aux modèles prenant la pose : « Ne bougez pas, le petit oiseau va sortir !... ». Ce qui est ici impossible.

Dans les images de Benoît, la trame du papier et le maillage formé par les barreaux de la cage ne font plus qu'un. L'écran dissimule autant qu'il révèle, perturbe la perception du sujet autant qu'il l'encourage, la stimule.

Pourquoi choisir un tel sujet ? Parce que c'est une forme d' « exotisme prolétaire »* déclare-t-il. Pourquoi pas ? Je m'y reconnais, m'y identifie en tout cas, comme Benoît, et pour ma part très sentimentalement : ces canaris incarnent pour moi, je l'ai déjà écrit, comme tant d'autres animaux domestiques , « la fragilité de l'idéal ».

Benoît aime que « ses images soient maltraitées par les procédés photomécaniques », et revendique le fait que son « rapport à la trame soit transgressif », une trame qui ressemble alors alors « un tissu que l'on aime autant que l'on malmène. »





Photo Benoît Gehanne,
« Canariloupe, 2008 »





* Propos recueillis à Paris, le 8 août 2008.

jeudi 24 juillet 2008

« Alice raide » de Clotilde Noblet, la suite ( la Nuit de la photographie contemporaine à Paris, 23 juin 2008)


Photo Clotilde Noblet




L'un des dispositifs de présentation des Polaroïds Sx-70 de la série « Alice raide » (Cf.
(http://fotopovera.blogspot.com/2008/06/la-srie-de-polarods-sx-70-alice-raide.html)

imaginé par Clotilde Noblet, pour la Nuit de la photographie contemporaine à Paris, qui s'est tenue le lundi 23 juin 2008, place Saint-Sulpice à Paris. L'artiste fera partie des participants à Foto Povera 4 en octobre prochain, chez Jean-Luc Paillé, avec sa série « Psychotif ».
Au premier plan, son boîtier Polaroïd de prédilection...


http://www.clotildenoblet.com

mercredi 23 juillet 2008

Foto Povera, ports et errances...

Photo Yannick Vigouroux,
« Barcelona, 2005 »,
de la série « Littoralités » (box 6x9)



Les zones portuaires, si chères aux auteurs de polars qui y aiment y planter leur décor, sont, surtout lorsqu'elle sont industrielles, des espaces privilégiés d'une errance physique et mentales pour nombre d'artistes, d'écrivains, de photographes et de cinéastes.


Sous le soleil de bassin méditerranéen, cette errance acquiert une coloration particulière, plus durement lumineuse, colorée et « tranchante » (y compris dans les images en noir et blanc, les gris ne sont pas les mêmes, la texture de l'air et des choses...), que dans les ports et les bords de mer du nord de l'Europe qui possèdent aussi une qualité de lumière spécifique. Celle-ci semble souvent adoucir et agrandir notre perception de l'espace...

vendredi 11 juillet 2008

« Le document ment » (Marc Donnadieu)


Photo Yannick Vigouroux,
« Naples, 2003 »,
de la série « Fascination Street » (Holga)




Non pas enregistrer le réel – « le document ment » (selon M. Donnadieu, lors de la table ronde organisée au CPIF lors de Foto Povera 3), de toute façon – mais creuser une brèche dans le réel, comme j'éprouve parfois le sentiment de creuser avec mon regard un sillon dans ces rues où il est si bon de flâner, de m'abandonner à une lente dérive mentale...


J'aime éprouver le sentiment d'entamer cette matérialité friable, d'effeuiller ses strates, de déliter son illusoire stabilité, à laquelle tant de gens tentent de croire pour se rassurer...

jeudi 10 juillet 2008

Les Trains de lumière (Bernard Plossu et Pierryl Peytavi)

Photos Pierryl Peytavi,
« sans titre, 2008 »




Les dernières photos en noir et blanc que Pierryl Peytavi m'a envoyé me font beaucoup penser à celles publiées par Bernard Plossu dans Train de lumière (Editions Yellow Now, 2000), livre de petit format qui est fait partie de ses ouvrages les moins connus et est sans doute l'un des plus radicaux. Les deux photographes aiment photographier en bus ou en train, à travers la fenêtre ; l'appareil-photo semble alors engagé dans un travelling, une séquence très cinétique : le moyen de transport n'est plus seulement un moyen de transport, c'est aussi une machine de vision qui se déplacerait comme une caméra sur des rails.




Photos Bernard Plossu,
pages du livre Train de lumière
(Editions Yellow Now, 2000)




Train de Lumière : est-ce de la photographie ou du cinéma d'ailleurs ? En réalité les deux. A propos de sa série, Bernard Possu déclare d'ailleurs au début du livre :



« Ces photogrammes [...] sont extraits de la bande en super-8 mm que l'on me voit tourner dans Sur la voie, film de Hedi Tahar, réalisé d'après une idée originale de Bertrand Priour et qui en contient des extraits. Le trajet était La Ciotat – Lyon – La Ciotat en train (comme les frères Lumière cent ans plus tôt).


C'est dans le studio de Jeff Guess que nous avons déroulé le film super-8 pour faire le choix des images, Bertrand Priour, Jeff Guess et moi. »


Sur les relations entre Foto Povera et le cinéma dit « professionnel » ou « amateur », Cf. l'article que j'ai déjà consacré à la série « Routine » de Benoît Géhanne et Marion Delage de Luget : http://fotopovera.blogspot.com/2007/12/foto-povera-le-cinma-amateur-routine-de.html et une vue du Vésuve prise en autobus par Pierryl Peytavi : http://fotopovera.blogspot.com/2008/01/le-vsuve-par-pierry-peytavi-brownie.html



Les photos de Bernard Plossu sont consultables sur ce site : http://www.documentsdartistes.org/artistes/plossu/repro10-1.html

Les chiens qui errent dans Foto Povera...

Photo Pierryl Peytavi,
« Sans titre », 2007
(Brownie Flash 6 x 6)



« Un gros chien se tenait devant l'entrée, une grande bête noire, menaçante, qui grognait. Elle distinguait l'éclat de ses dents et de ses yeux. Il fallait qu'elle s'introduise très vite à l'intérieur, elle le savait. [...] Le chien était contre un mur et la regardait, mais elle voyait maintenant qu'il ne lui ferait pas de mal. Sa queue balayait la poussière, et il était si maigre qu'elle distinguait ses côtes sous la fourrure noire, sale et râpée. Ses yeux fous brillaient. Il voulait qu'elle soit bonne envers lui. »

(Doris Lessing, « Debbie et Julie » in Nouvelles de Londres, 1992, p. 14.)



Photo Driss Aroussi,
« Chien de Fezna »



La fourrure de l'animal photographié par Driss Aroussi n'est certes pas noire, mais la bête me fait tellement penser à celle décrite dans la nouvelle de Doris Lessing : j'y retrouve la même violence animale prête a exploser, gueule ouverte, dans un combat qu'on imagine à mort !


Le chien photographié par Pierryl, avec un Brownie 6 x 6 à, Porto, avec sa blanche fourrure laineuse qu'on imagine douce au toucher, qui se détache sur le mur jaune, et prend la rapide tangente canine de l'animal incertain quant au rapport de force animal / humain, est beaucoup plus rassurant que celui décrit par Doris Lessing et celui croisé par Driss ! Celui photographié par Anne-Marie, adorable, attachant bâtard, l'est encore plus (après que nous l'ayions nourri avec les restes de nos casse-croûte, il a bien failli entrer avec nous dans le wagon qui devait nous ramener à Naples... mais nous ne pouvions l'adopter, comment le faire rentrer dans l'avion de notre retour vers la France ?).



Photos Anne-Marie Grapton,
« Quai de la gare d'Ercolano (Herculanum),
septembre 2007 » (Kyocera)



J'ai remarqué que ces animaux errants ou semi-domestiques, menaçants ou affectueux, sont récurrents dans mes photos et celles des amis du collectif Foto Povera (comme les chats d'ailleurs...) : « photographier avec les tripes », mais aussi à hauteur d'animal, voire au ras du sol...


Cela peut sembler une modification infime dans la manière de voir, le rapport au monde, la construction mentale que nous en faisons... mais en réalité c'est un vrai bouleversement des échelles de valeur, des habitudes ; cela met à mal nos prétentieuses conventions antrhopocentristes.

mardi 8 juillet 2008

« Se faire plaisir » par Jean-Marie Baldner

Photo Guillaume Pallat,
« 14h00/14h02, 2001 »,
de la série « Temps libre »,
(sténopé couleur, tirage 70 X 90 cm)




Dans ce sténopé de Guillaume Pallat, le temps de pose long a effacé complètement, ou presque (car à bien y regarder, il subsiste, telles d'infimes résidus de brume, quelques minuscules « fantômes » des corps), la présence des joueurs de football qui n'existent plus qu'en creux, par leur absence. Notre rapport à l'espace-temps est, du coup, comme chez Felten-Massinger, Claire Lesteven, ou parfois Remi Guerrin, bouleversé. Ce sont avant tout l'écoulement lent du temps et les perturbations formelles que celui-ci entraîne sur l'espace qui constituent les véritables sujets de la photo.



Voici le texte de présentation de l'exposition « Foto Povera 4, journées off portes ouvertes chez Jean-Luc Paillé (4-6 octobre 2007)» rédigé par notre ami Jean-Marie Baldner :



« Se faire plaisir


Il y a dans Foto Povera des correspondances, des dialogues indistincts des temps et des espaces, un désir profond de provoquer le hasard par la matérialité de l’image. Rien donc d’un repli nostalgique sur l’esthétique de techniques et d’appareils surannés. Un groupe d’échanges, une communauté de plaisir, relayés par le blog de Yannick Vigouroux, des artistes, des amateurs, qui manipulent aussi bien le sténopé, les appareils anciens ou les appareils jouets, les chambres réputées que l’ordinateur et le téléphones mobile ; qui expérimentent l’image en mouvement dans l’image fixe et son contraire ; qui revendiquent la pauvreté comme démarche et comme pensée de l’image. La prospection n’exclut ni le métier, ni la sophistication, ni l’esthétique, elle les use pour les mettre en danger, les conduire à leur point de déséquilibre, au moment où l’image trouve sa source dans l’effondrement de la valeur qui la fait reconnaître et apprécier dans les champs de l’histoire et du marché de l’art. Bousculant tout ce qui rassure de l’apriorisme mimétique et esthétique de la photographie, ces photographes commettent un flagrant délit de non évènementiel, de narration du geste visuel de l’attente. Entre continu et discontinu, ils construisent la surface photographique d’imperfections pour faire surgir l’inattendu dans le durable, l’accommodation dans la disparition. Ils se font plaisir.»

vendredi 4 juillet 2008

Exposition sur les ports méditerranéens, Sanary-sur-Mer, sept.-nov. 2008





Voici l'accrochage de ma série « Littoralités » (chaque tirage mesurera 24 x 30 cm), imaginé par Philippe Calandre, pour l'exposition sur les ports méditerranéens qui ouvrira en septembre 2008 à Sanary-sur-Mer. Seront aussi exposées les photographies de Philippe, Remi Guerrin, Benoît Géhanne, Christophe Mauberret, et Pierryl Peytavi.


Le salon d'automne de la ville de Sanary-sur-Mer aura lieu du 19 septembre au 16 novembre 2008, à l’Espace Saint-Nazaire.

mercredi 2 juillet 2008

« In the Eye of the Beholder » de Julie Vola (la suite)

Photo Julie Vola,
de la série « In the Eye of the Beholder », 2008
(Holga)




« Bonjour,

A la lecture de votre dernier post sur le blog Foto Povera, je me suis dit que cette image vous plairait peut-être. C'est avec plaisir que "je vous l'offre"...

Je viens de passer mon diplôme [de l'ENSP d'Arles]. Depuis votre article sur ma photo, ma réflexion autour de mon travail a un peu évolué. Je ne me référence plus aussi explicitement à Serge Tisseron, bien que ce qu'il a écrit dans Nuage/soleil (1994) reste important pour moi. Mais voici l'état de ma réflexion aujourd'hui :

pour commencer le titre est désormais réduit à " In the Eye of the Beholder " ("éliminer le superflu") - définition. Beholder : (nom) une personne qui prend conscience (de choses ou d'évènements) au travers de ses sens, plus particulièrement la vue. Behold (verbe) : percevoir à travers l'utilisation de ses facultés mentales; saisir. (To perceive through use of the mental faculty; comprehend). Hold : détenir, emprise.

Ma pratique photographique est celle de la déambulation, un parcours dans la nature à travers une recherche atmosphérique portée sur l'effet d'apparition d'un élément naturel, d'une lumière, d'une couleur.

Ces photographies sont des paysages intérieurs. Je cherche à reproduire les paysages tels qu'ils m'apparaissent et non tels qu'ils sont. J'utilise un Holga, comme une machine de vision ("une machine à poésie" comme le disait Nancy Rexroth), car cela correspond mieux à ce que je vois.

Marc Trivier, dans Lost Paradise (2002), parlait de paysages rétiniens à propos de son Brownie, qui produisait des images qui correspondaient à ce qu'il avait vu. Il y a quelque chose de l'ordre de l'évocation, de la mémoire, du souvenir que l'on a, de nos propres paysages intérieurs. Je souhaite rendre compte de l'activité imageante du regard car lui seul institue véritablement l'environnement en paysage. "Le paysage en tant que tel n'existe que dans l'œil de son spectateur. " (Schlegel). C'est un rapport romantique que j'ai au monde dans ce travail, je l'avoue, mais aussi dans mon rapport au paysage en général. J'essaie avec mes images d'être dans le monde, dans le paysage et non juste devant.

Pour le diplôme, j'ai créé un accrochage "en constellation" sur un mur de 7 m. Celui-ci a permis de jouer sur plusieurs rapports, notamment sur un rapprochement du regardeur, grâce au petit format et à l'encadrement il y a un resserrement qui permet qu'un rapport intimiste se forme (enfin j'espère), chacun construisant son propre parcours visuel...

J'espère que l'image vous plaira.

Amicalement,

JuLie Vola (10 juin 2008). »



http://www.julievola.com



« Foto Povera n'est pas une règle du jeu », par Marion Delage de Luget

Photo Yannick Vigouroux,
« Hermanville-sur-Mer, Normandie, 1999 »,
de la série « Littoralités »
(Box 6x9)




« Foto Povera ?


Ce n’est pas une règle du jeu. Parce qu’il n’y a pas d’idéal à atteindre, aucun but préétabli, et c’est là tout l’intérêt de la démarche. Foto povera est un performatif. Cela veut dire qu’il n’y a pas, pour réussir cette photo pauvre, d’autres recettes que celle de l’expérimentation. Faites le ; et Kurt Schwitters le rappelait à ses élèves : faites le comme jamais personne ne l’a fait avant. Pareil : Foto Povera ne s’enseigne pas, pas autrement que comme un état d’esprit. Foto Povera, c’est, comme on dit, ce certain regard qui ne clôt pas la grille de lecture selon les références historiques, ou la reconnaissance technicienne. C’est cette possibilité que seule permet la transversale de lutter contre la rigueur trop orthogonale de la norme. C’est cet espace pratique, théorique, que l’on nous propose de nourrir pour décloisonner une fois pour toute ces catégories dépassées qui font dire d’une photo qu’elle est bonne ou mauvaise. Ni haut, ni bas, disait Denis Hollier ; Foto Povera est cette respiration qui permet d’envisager le monde sans contraintes hiérarchiques. »


(Marion Delage de Luget)

lundi 30 juin 2008

« Un appareil aussi simple que le vent, le sable et le soleil... » (Les photos de Michel Castermans)





Photo Michel Castermans,
« Sicile, 2008 »
(Agfa Isola nuage-soleil)





J'ai échangé ce mois passé plusieurs e-mailsavec un ami bruxellois de Bernard Plossu, « son frère de coeur » (quelle belle expression !) comme il aime le nommer, et compagnon de marche (ils viennent de voyager ensemble, à pied, en Sicile).


Yannick Vigouroux :

« Bonjour,

[...] Bernard Plossu m'a fait découvrir votre travail récent en Sicile, que j'ai beaucoup apprécié. Pourriez-vous m'en dire plus ? (notamment quel boîtier vous avez utilisé ?...). J'aimerais évoquer vos photos sur mon blog consacré à Foto Povera. »


Voici sa première réponse :


« Bonsoir,


Merci de l'intérêt que vous portez à ces quelques images.

Je connais votre dynamisme (et vos publications) en la matière.


Les photos de Sicile ont été prises ave

c un Agfa "isola" nuage-soleil (5 € sur e-bay) et quelques vieux rouleaux disparates de 120 qui trainaient dans mon frigidaire...


Au plaisir de vous rencontrer (bien que je vous ai déjà vu il y a quelques années à la MEP lors d'une conférence à laquelle était présents entre autres, Serge Tisseron...)


Bien cordialement.


Michel Castermans. »






Photos Michel Castermans,
« Sicile, 2008 »
(Agfa Isola nuage-soleil)



Puis la seconde :


« Bonsoir Yannick,

Sur la suggestion de Bernard Plossu, je vous envoie également cette série de sténopés couleurs réalisés dans le Hoggar avec le petit appareil en bois de "Ruben Molina" comme celui illustré à la page 81 dans Les Pratiques pauvres. L'idée de cette série était d'utiliser un appareil aussi simple que le vent, le sable et le soleil...

Bien cordialement.

Michel Castermans (23 juin 2008). »



C'est donc bien cet appareil « Nuage-Soleil », devenu pour moi comme tant d'autres, « mythique », depuis la publication du livre éponyme (Éd. Marval, 1994), contenant un texte remarquable de Serge Tisseron et les photos de Bernard Plossu, prises avec différents appareils-jouets, qu'a utilisé Michel Castermans en Sicile...




Photo Michel Castermans,
« Hoggar »
(Sténopé Ruben Molina)



Les photos prises dans le désert avec un sténopé en bois attestent des mêmes préoccupations coloristes sans jamais, toutefois, verser dans l'esthétisme ; de la même sensibilité extrême à cette lumière tantôt méditerranéenne, dans l'extrême sud de l'Italie – et aux signes vernaculaires de l'île – tantôt spécifique au Sahara.


« L'idée de cette série était d'utiliser un appareil aussi simple que le vent, le sable et le soleil... » : cette phrase a tout particulièrement retenu mon attention. Le bois ce n'est pas du métal, c'est organique, que l'arbre soit mort ou pas. Cette attention aux éléments naturels, et la relation directe, simple, qu'on entretient avec ceux-ci, est dans ces quelques mots si bien, et de manière concise, formulée...

mardi 24 juin 2008

« La Balade de Bonaventure », un mode d'exposition « pauvre » (les photos d'Arnaud Zajac)


Photos Arnaud Zajac,
de la série « La Balade de Bonaventure »




Arnaud Zajac m'a récemment envoyé ce courrier :


« Bonjour,


je viens de passer quelques heures à visiter « Foto Povera 2» ; ça m'a donner envie de t'envoyer quelques images... elles sont je crois assez proches, dans l'esprit, de celles que tu montres... (bien que faites avec un appreil numérique). Le côté « pauvre » c'est aussi pour moi le petit format imprimé avec mon imprimante à 3 sous... » [extrait de la lettre postée le 19 mai 2008]


Voilà un aspect que je n'ai que peu abordé sur ce blog : l'économie de moyens pour laquelle optent nombre d'artistes dans le mode de présentation de leurs images: des petits tirages chromogènes ou des impressions jet d'encre simplement collés au mur (Cf. par exemple Caroll' Planque), sur le modèles des Lomowalls des Lomographes. Pas de frais d'encadrement ; pas frais de contrecollage...

Notons que fortement pixellisées, les images numériques peuvent elles aussi relever de pratiques pauvres ; par ailleurs les images d'Arnaud Zajac, avec leurs flous, leurs cadrages fluides et spontanés, souvent excentrés, évoquent parfois fortement certaines photos de Bernard Plossu...


Influence qu'il reconnait dans son second courrier, en réponse au mien :

« Je pense aussi que la Foto Povera est une question d'état d'esprit, de rapport au monde et pas une question de moyen techniques ou autres. Peut-être aussi quelques références plus ou moins conscientes en commun...

Tu me parlais de Bernard Plossu ans ma réponse par courrier] ; la découverte de ses photos dans les années 1980 a été pour moi un point de départ, à partir duquel j'ai découvert de nombreuses choses que j'ignorais, en particulier la Beat Generation...

J'avais rédigé un petit mémoire sur le travail de Bernard Plossu quand j'étais étudiant. Il m'avait beaucoup encouragé quand je lui avais montré mes photos. Ensuite, j'ai arrêté de faire des photos pendant des années...

Il y a deux ans, après la naissance de mon fils, mon regard a changé et je me suis mis à faire des images avec un appareil numérique (alors que je n'aimais pas ça du tout, moi j'étais un amoureux du beau baryté et du grain...) et peu à peu j'ai trouvé certaines images intéressantes, débarrassées de mes tics, de mes effets... (je pense qu'une bonne photo reste une bonne photo même imprimée sur du papier journal non ?). »


Je pense aussi en effet qu' « une bonne photo reste une bonne photo même imprimée sur du papier journal » ; c'est d'ailleurs ce qu'a fait Daniel Price, avec du papier recyclé, pour diffuser des photos réalisées avec des toys-cameras dans sa revue Shots. Dans chaque numéro de la revue, l'on peut vérifier qu'une bonne image conserve sa force formelle intrinsèque, même mal imprimée... A noter qu'Arnaud Zajac aime imprimer lui-même ses photos avec une imprimante basique, et relier les feuilles pour constituer des petits livrets : petit format, économie des moyens techniques... (comme à sa manière, et avec ses Polas, Clotilde Noblet...). L'on ma souvent reproché de recourir à l'appellation « photo pauvre », à tort ou à raison – je reste ouvert au débat et ne suis pas avide de consensus, au contraire, nombre de contradictions peuvent être relevées dans le mode de production, présentation, et vente des images des adeptes de la Foto Povera, et je l'assume pleinement, tant que ces « contradictions » me semblent constructives... – ce qu'ignorent ou font semblant d'ignorer les gens, de bonne fois ou non, c'est que, pour rendre viable une expo, vendre une photo ou un livre, l'on doit souvent renoncer au titre original, plus universitaire : « Foto Povera » n'est-il pas, tout comme, à un moindre degré, « Les Pratiques pauvres , du sténopé au téléphone mobile», plus « vendeur », moins hermétiques que le titre de mon mémoire de DEA d'histoire de l'art soutenu en 2000 à l'Université Paris-1 Panthéon Sorbonne (je remercie à nouveau Philippe Dagen et Michel Poivert, pour leurs conseils avisés, et l'intérêt qu'ils manifesté à l'égard de mes recherches) : « Les Pratiques archaïsantes dans la photographie contemporaine. ») ?...

Contraintes universitaires, journalistiques, artistiques et commerciales : adeptes de la « Foto Povera », ceux qui s'en revendiquent clairement, ou ceux qui se déclarent proches du concept, nous pratiquons tous des prix modérés d' « atelier » (compter - sans commission de galerie qui double alors les prix - de 80 à 2 000 euros le tirage, la moyenne étant de 200 à 400 euros).

La « Foto Povera » coûte souvent peu aux collectionneurs de photo : peut-être est-ce que pour cette raison que nous ne sommes pas pris, parfois, au sérieux, et pas achetés alors que j'ai vu nombre de gens s'enthousiasmer pour nos photos ? Le Low-Cost serait-il mal vu dans le marché de l'art ? Ce serait triste et dommageable pour le public peu aisé financièrement d'être dissuadé par ce préjugé, et dommageable, le mot n'est pas trop fort selon moi, pour l'histoire de la photo...

Mais revenons à Arnaud qui me confie par ailleurs, dans le même courrier, qu'il « préfère l'appellation "photo alternative" à "Foto Povera", cela fait penser au Rock alternatif... tout ça... un truc fait pour tout le monde... simple, indépendant, libre... Enfant, j'aimais l'idée que le Rock pouvait changer le monde...

Un autre univers important pour moi : le polar qui, comme le rock, est un genre populaire, souvent engagé... j'aime surtout les auteurs français comme Pouy, Raynal et bien d'autres... »

« Rock » et « Polar » (pour ma part, j'évoquerais aussi Manchette, Izzo, Siniac, Pelot pour les Français ; et le Belge Simenon, les Américains Himes, Ellroy...) : ce sont des goûts que nous avons en commun et que partagent, je crois, nombres d'adeptes de la « Foto Povera », ou « de pratiques archaïsantes », ou « alternatives »....

Ce « rock » qui pourrait changer le monde : c'est ce que formule, justement, Daniel Challe, dans son dernier livre, Fuga, paru aux éditions Filigrannes, déjà chroniqué ici, et dans une version plus longue et plus polémique sur : http://www.lacritique.org/article-parution-de-fuga-de-daniel-challe


Dans mon second courrier, je lui ai aussi demandé, si si certaines photos étaient faites, comme je le supposais, sans viser ?

« Oui, certaines photos sont faites sans mettre l'oeil dans le viseur... mais dire qu'elles sont faites sans viser ? Je ne crois pas... Je vise sans regarder dans le viseur, mais (ce n'est pas fréquent), je vise avec le viseur mais très vite. Je fais beaucoup de photos en conduisant ma voiture et en vélo, c'est vraiment la bonne vitesse pour voir. »

Prendre le temps de voir, en prenant son temps mais en cadrant parfois vite, de manière spontanée, et associer le mécanisme du vélo à celui des anciens appareils photo... Voilà un projet qui me plait beaucoup.

lundi 23 juin 2008

La série de Polaroïds SX-70 « Alice Raide » de Clotilde Noblet

Photo Clotilde Noblet,« Alice 01» ,
de la série « Alice Raide », 2001
(Polaroïd SX-70)




J'ai demandé à Clotilde Noblet quels étaient le contexte de réalisation, l'idée sous-jacente, l'usage très particulier qu'elle fait du rouge dans la série « Alice Raide ».

Cette série si mystérieuse me fascinait depuis plusieurs semaines mais j'ignorais pourquoi au départ.... Quelque chose résistait, m'échappait.

Bien sûr, il y a, dans cette série, ce rouge omniprésent qui aimante le regard, et parfois, dans le visage d'Alice (un pseudonyme, ce qui est cohérent : un personnage, une actrice porte rarement son vrai prénom) ce flou troublant évocateur d'états seconds...

J'ai fini par envisager cette hypothèse : et si ces Polaroïds échappaient à toute interprétation rationnelle ?... et cette couleur rouge qui unifie la série m'a rappelé le bleu satiné du film Blue Velvet (1985) de David Lynch, cinéaste qui revendique une cinéma de sensation, aux images et au récit polysémiques...

Depuis, après quelques échanges téléphoniques et d'e-mails, j'ai rencontré l'artiste en mai, dans un café de Paris, avec mon ami Pierryl Peytavi, qui m'avait incité à découvrir son travail.

La personne et ses photos se sont révélés aussi fantaisistes et attachants que le profil avenant de la jeune femme qui apparaît sur son site....

Donc, au téléphone, via Internet, puis de visu, comme à mon habitude [quel bonheur, comme critique, d'écrire sur des artistes vivants : l'on remonte à la source directe de la sensibilité, de la parole et de la vision, ... donc moins de risques de déformations fantasmatiques écrites à contresens parfois par les historiens de l'art !], je lui ai posé nombre de questions.





Photos Clotilde Noblet, «HER HOT-DOG » et «HER RAIDE-CHAIR » ,
de la série « ALICE RAIDE », 2007
(Polaroïds SX-70)



Voici, par e-mail, la réponse de l'artiste :



« Les Polaroids "Alice Raide" ont été pris à différentes époques.

Le plus ancien date de 2001 (" Alice's Vibrations " ) et le plus récent (" Alice") date de 2007.

L'idée de la série porte sur une sensation, c'est un univers clos, qui ressemblerait à une séquence cinématographique.

Les dominantes rouges accentuent le côté inquiétant et énigmatique de la série... »

« Une sensation » ; « un univers clos » (c'est aussi le cas de nombre de films de Lynch) ; « une séquence photographiques » : cette belle série aurait pu être nommée aussi « Red Velvet », tel un clin d'oeil à Blue Velvet ?




Photos Clotilde Noblet,
« ALICE'S-VIBRATIONS
», 2001
(Polaroïd SX-70)



Clotilde aime parler, à propos de son travail, de « démarche introspective », s'est reconnue lorsque je la lui ai suggéré, dans la notion d' « auto-fiction ».

Elle aime aussi réunir ses Polas dans des livrets, tels que Psychotif...

Les photos faites à New-York, des vues de ponts suspendus, ressemblent, à l'image des première photos de Walker Evans, et de nombres d'avant-gardistes des années 1920-30, à des toiles d'araignée déployées à l'infini qui « attrapent le regard », et élargissent le champ de l'imagination.

Les carnets de Clotilde sont très beaux ; nombre de cadrages sont déconcertants, sensuels, radicaux et justes !

Des oeuvres à découvrir lors de « Foto Povera off 4, journées portes ouvertes » dans l'atelier de Jean-Luc Paillé (94, bd. De Port-Royal, 75005 Paris, RER Port-Royal, du 4 au 6 octobre 2008), avec celles d'autres participants au collectif Foto Povera. A venir bientôt ici de plus amples informations sur ces journées, ainsi que sur « Foto Povera 5 » qui aura lieu en novembre 2008 à l'Opal Gallery d'Atlanta, où je viens d'exposer avec Bernard Plossu.



L'article que j'ai écrit avec Laurent Garreau sur « The Air is on Fire» (exposition des oeuvres graphiques de David Lynch à la Fondation Cartier, Paris, en 2007) est consultable sur : http://www.lacritique.org/article-the-air-is-on-fire?var_recherche=david%20lynch

Le site de Clotilde Noblet :
http://www.clotildenoblet.com