jeudi 24 juillet 2008

« Alice raide » de Clotilde Noblet, la suite ( la Nuit de la photographie contemporaine à Paris, 23 juin 2008)


Photo Clotilde Noblet




L'un des dispositifs de présentation des Polaroïds Sx-70 de la série « Alice raide » (Cf.
(http://fotopovera.blogspot.com/2008/06/la-srie-de-polarods-sx-70-alice-raide.html)

imaginé par Clotilde Noblet, pour la Nuit de la photographie contemporaine à Paris, qui s'est tenue le lundi 23 juin 2008, place Saint-Sulpice à Paris. L'artiste fera partie des participants à Foto Povera 4 en octobre prochain, chez Jean-Luc Paillé, avec sa série « Psychotif ».
Au premier plan, son boîtier Polaroïd de prédilection...


http://www.clotildenoblet.com

mercredi 23 juillet 2008

Foto Povera, ports et errances...

Photo Yannick Vigouroux,
« Barcelona, 2005 »,
de la série « Littoralités » (box 6x9)



Les zones portuaires, si chères aux auteurs de polars qui y aiment y planter leur décor, sont, surtout lorsqu'elle sont industrielles, des espaces privilégiés d'une errance physique et mentales pour nombre d'artistes, d'écrivains, de photographes et de cinéastes.


Sous le soleil de bassin méditerranéen, cette errance acquiert une coloration particulière, plus durement lumineuse, colorée et « tranchante » (y compris dans les images en noir et blanc, les gris ne sont pas les mêmes, la texture de l'air et des choses...), que dans les ports et les bords de mer du nord de l'Europe qui possèdent aussi une qualité de lumière spécifique. Celle-ci semble souvent adoucir et agrandir notre perception de l'espace...

vendredi 11 juillet 2008

« Le document ment » (Marc Donnadieu)


Photo Yannick Vigouroux,
« Naples, 2003 »,
de la série « Fascination Street » (Holga)




Non pas enregistrer le réel – « le document ment » (selon M. Donnadieu, lors de la table ronde organisée au CPIF lors de Foto Povera 3), de toute façon – mais creuser une brèche dans le réel, comme j'éprouve parfois le sentiment de creuser avec mon regard un sillon dans ces rues où il est si bon de flâner, de m'abandonner à une lente dérive mentale...


J'aime éprouver le sentiment d'entamer cette matérialité friable, d'effeuiller ses strates, de déliter son illusoire stabilité, à laquelle tant de gens tentent de croire pour se rassurer...

jeudi 10 juillet 2008

Les Trains de lumière (Bernard Plossu et Pierryl Peytavi)

Photos Pierryl Peytavi,
« sans titre, 2008 »




Les dernières photos en noir et blanc que Pierryl Peytavi m'a envoyé me font beaucoup penser à celles publiées par Bernard Plossu dans Train de lumière (Editions Yellow Now, 2000), livre de petit format qui est fait partie de ses ouvrages les moins connus et est sans doute l'un des plus radicaux. Les deux photographes aiment photographier en bus ou en train, à travers la fenêtre ; l'appareil-photo semble alors engagé dans un travelling, une séquence très cinétique : le moyen de transport n'est plus seulement un moyen de transport, c'est aussi une machine de vision qui se déplacerait comme une caméra sur des rails.




Photos Bernard Plossu,
pages du livre Train de lumière
(Editions Yellow Now, 2000)




Train de Lumière : est-ce de la photographie ou du cinéma d'ailleurs ? En réalité les deux. A propos de sa série, Bernard Possu déclare d'ailleurs au début du livre :



« Ces photogrammes [...] sont extraits de la bande en super-8 mm que l'on me voit tourner dans Sur la voie, film de Hedi Tahar, réalisé d'après une idée originale de Bertrand Priour et qui en contient des extraits. Le trajet était La Ciotat – Lyon – La Ciotat en train (comme les frères Lumière cent ans plus tôt).


C'est dans le studio de Jeff Guess que nous avons déroulé le film super-8 pour faire le choix des images, Bertrand Priour, Jeff Guess et moi. »


Sur les relations entre Foto Povera et le cinéma dit « professionnel » ou « amateur », Cf. l'article que j'ai déjà consacré à la série « Routine » de Benoît Géhanne et Marion Delage de Luget : http://fotopovera.blogspot.com/2007/12/foto-povera-le-cinma-amateur-routine-de.html et une vue du Vésuve prise en autobus par Pierryl Peytavi : http://fotopovera.blogspot.com/2008/01/le-vsuve-par-pierry-peytavi-brownie.html



Les photos de Bernard Plossu sont consultables sur ce site : http://www.documentsdartistes.org/artistes/plossu/repro10-1.html

Les chiens qui errent dans Foto Povera...

Photo Pierryl Peytavi,
« Sans titre », 2007
(Brownie Flash 6 x 6)



« Un gros chien se tenait devant l'entrée, une grande bête noire, menaçante, qui grognait. Elle distinguait l'éclat de ses dents et de ses yeux. Il fallait qu'elle s'introduise très vite à l'intérieur, elle le savait. [...] Le chien était contre un mur et la regardait, mais elle voyait maintenant qu'il ne lui ferait pas de mal. Sa queue balayait la poussière, et il était si maigre qu'elle distinguait ses côtes sous la fourrure noire, sale et râpée. Ses yeux fous brillaient. Il voulait qu'elle soit bonne envers lui. »

(Doris Lessing, « Debbie et Julie » in Nouvelles de Londres, 1992, p. 14.)



Photo Driss Aroussi,
« Chien de Fezna »



La fourrure de l'animal photographié par Driss Aroussi n'est certes pas noire, mais la bête me fait tellement penser à celle décrite dans la nouvelle de Doris Lessing : j'y retrouve la même violence animale prête a exploser, gueule ouverte, dans un combat qu'on imagine à mort !


Le chien photographié par Pierryl, avec un Brownie 6 x 6 à, Porto, avec sa blanche fourrure laineuse qu'on imagine douce au toucher, qui se détache sur le mur jaune, et prend la rapide tangente canine de l'animal incertain quant au rapport de force animal / humain, est beaucoup plus rassurant que celui décrit par Doris Lessing et celui croisé par Driss ! Celui photographié par Anne-Marie, adorable, attachant bâtard, l'est encore plus (après que nous l'ayions nourri avec les restes de nos casse-croûte, il a bien failli entrer avec nous dans le wagon qui devait nous ramener à Naples... mais nous ne pouvions l'adopter, comment le faire rentrer dans l'avion de notre retour vers la France ?).



Photos Anne-Marie Grapton,
« Quai de la gare d'Ercolano (Herculanum),
septembre 2007 » (Kyocera)



J'ai remarqué que ces animaux errants ou semi-domestiques, menaçants ou affectueux, sont récurrents dans mes photos et celles des amis du collectif Foto Povera (comme les chats d'ailleurs...) : « photographier avec les tripes », mais aussi à hauteur d'animal, voire au ras du sol...


Cela peut sembler une modification infime dans la manière de voir, le rapport au monde, la construction mentale que nous en faisons... mais en réalité c'est un vrai bouleversement des échelles de valeur, des habitudes ; cela met à mal nos prétentieuses conventions antrhopocentristes.

mardi 8 juillet 2008

« Se faire plaisir » par Jean-Marie Baldner

Photo Guillaume Pallat,
« 14h00/14h02, 2001 »,
de la série « Temps libre »,
(sténopé couleur, tirage 70 X 90 cm)




Dans ce sténopé de Guillaume Pallat, le temps de pose long a effacé complètement, ou presque (car à bien y regarder, il subsiste, telles d'infimes résidus de brume, quelques minuscules « fantômes » des corps), la présence des joueurs de football qui n'existent plus qu'en creux, par leur absence. Notre rapport à l'espace-temps est, du coup, comme chez Felten-Massinger, Claire Lesteven, ou parfois Remi Guerrin, bouleversé. Ce sont avant tout l'écoulement lent du temps et les perturbations formelles que celui-ci entraîne sur l'espace qui constituent les véritables sujets de la photo.



Voici le texte de présentation de l'exposition « Foto Povera 4, journées off portes ouvertes chez Jean-Luc Paillé (4-6 octobre 2007)» rédigé par notre ami Jean-Marie Baldner :



« Se faire plaisir


Il y a dans Foto Povera des correspondances, des dialogues indistincts des temps et des espaces, un désir profond de provoquer le hasard par la matérialité de l’image. Rien donc d’un repli nostalgique sur l’esthétique de techniques et d’appareils surannés. Un groupe d’échanges, une communauté de plaisir, relayés par le blog de Yannick Vigouroux, des artistes, des amateurs, qui manipulent aussi bien le sténopé, les appareils anciens ou les appareils jouets, les chambres réputées que l’ordinateur et le téléphones mobile ; qui expérimentent l’image en mouvement dans l’image fixe et son contraire ; qui revendiquent la pauvreté comme démarche et comme pensée de l’image. La prospection n’exclut ni le métier, ni la sophistication, ni l’esthétique, elle les use pour les mettre en danger, les conduire à leur point de déséquilibre, au moment où l’image trouve sa source dans l’effondrement de la valeur qui la fait reconnaître et apprécier dans les champs de l’histoire et du marché de l’art. Bousculant tout ce qui rassure de l’apriorisme mimétique et esthétique de la photographie, ces photographes commettent un flagrant délit de non évènementiel, de narration du geste visuel de l’attente. Entre continu et discontinu, ils construisent la surface photographique d’imperfections pour faire surgir l’inattendu dans le durable, l’accommodation dans la disparition. Ils se font plaisir.»

vendredi 4 juillet 2008

Exposition sur les ports méditerranéens, Sanary-sur-Mer, sept.-nov. 2008





Voici l'accrochage de ma série « Littoralités » (chaque tirage mesurera 24 x 30 cm), imaginé par Philippe Calandre, pour l'exposition sur les ports méditerranéens qui ouvrira en septembre 2008 à Sanary-sur-Mer. Seront aussi exposées les photographies de Philippe, Remi Guerrin, Benoît Géhanne, Christophe Mauberret, et Pierryl Peytavi.


Le salon d'automne de la ville de Sanary-sur-Mer aura lieu du 19 septembre au 16 novembre 2008, à l’Espace Saint-Nazaire.

mercredi 2 juillet 2008

« In the Eye of the Beholder » de Julie Vola (la suite)

Photo Julie Vola,
de la série « In the Eye of the Beholder », 2008
(Holga)




« Bonjour,

A la lecture de votre dernier post sur le blog Foto Povera, je me suis dit que cette image vous plairait peut-être. C'est avec plaisir que "je vous l'offre"...

Je viens de passer mon diplôme [de l'ENSP d'Arles]. Depuis votre article sur ma photo, ma réflexion autour de mon travail a un peu évolué. Je ne me référence plus aussi explicitement à Serge Tisseron, bien que ce qu'il a écrit dans Nuage/soleil (1994) reste important pour moi. Mais voici l'état de ma réflexion aujourd'hui :

pour commencer le titre est désormais réduit à " In the Eye of the Beholder " ("éliminer le superflu") - définition. Beholder : (nom) une personne qui prend conscience (de choses ou d'évènements) au travers de ses sens, plus particulièrement la vue. Behold (verbe) : percevoir à travers l'utilisation de ses facultés mentales; saisir. (To perceive through use of the mental faculty; comprehend). Hold : détenir, emprise.

Ma pratique photographique est celle de la déambulation, un parcours dans la nature à travers une recherche atmosphérique portée sur l'effet d'apparition d'un élément naturel, d'une lumière, d'une couleur.

Ces photographies sont des paysages intérieurs. Je cherche à reproduire les paysages tels qu'ils m'apparaissent et non tels qu'ils sont. J'utilise un Holga, comme une machine de vision ("une machine à poésie" comme le disait Nancy Rexroth), car cela correspond mieux à ce que je vois.

Marc Trivier, dans Lost Paradise (2002), parlait de paysages rétiniens à propos de son Brownie, qui produisait des images qui correspondaient à ce qu'il avait vu. Il y a quelque chose de l'ordre de l'évocation, de la mémoire, du souvenir que l'on a, de nos propres paysages intérieurs. Je souhaite rendre compte de l'activité imageante du regard car lui seul institue véritablement l'environnement en paysage. "Le paysage en tant que tel n'existe que dans l'œil de son spectateur. " (Schlegel). C'est un rapport romantique que j'ai au monde dans ce travail, je l'avoue, mais aussi dans mon rapport au paysage en général. J'essaie avec mes images d'être dans le monde, dans le paysage et non juste devant.

Pour le diplôme, j'ai créé un accrochage "en constellation" sur un mur de 7 m. Celui-ci a permis de jouer sur plusieurs rapports, notamment sur un rapprochement du regardeur, grâce au petit format et à l'encadrement il y a un resserrement qui permet qu'un rapport intimiste se forme (enfin j'espère), chacun construisant son propre parcours visuel...

J'espère que l'image vous plaira.

Amicalement,

JuLie Vola (10 juin 2008). »



http://www.julievola.com



« Foto Povera n'est pas une règle du jeu », par Marion Delage de Luget

Photo Yannick Vigouroux,
« Hermanville-sur-Mer, Normandie, 1999 »,
de la série « Littoralités »
(Box 6x9)




« Foto Povera ?


Ce n’est pas une règle du jeu. Parce qu’il n’y a pas d’idéal à atteindre, aucun but préétabli, et c’est là tout l’intérêt de la démarche. Foto povera est un performatif. Cela veut dire qu’il n’y a pas, pour réussir cette photo pauvre, d’autres recettes que celle de l’expérimentation. Faites le ; et Kurt Schwitters le rappelait à ses élèves : faites le comme jamais personne ne l’a fait avant. Pareil : Foto Povera ne s’enseigne pas, pas autrement que comme un état d’esprit. Foto Povera, c’est, comme on dit, ce certain regard qui ne clôt pas la grille de lecture selon les références historiques, ou la reconnaissance technicienne. C’est cette possibilité que seule permet la transversale de lutter contre la rigueur trop orthogonale de la norme. C’est cet espace pratique, théorique, que l’on nous propose de nourrir pour décloisonner une fois pour toute ces catégories dépassées qui font dire d’une photo qu’elle est bonne ou mauvaise. Ni haut, ni bas, disait Denis Hollier ; Foto Povera est cette respiration qui permet d’envisager le monde sans contraintes hiérarchiques. »


(Marion Delage de Luget)