jeudi 29 mai 2008

Les « Poèmes bleus » de George Perros (une autre histoire de bleu)

Photo Yannick Vigouroux,
« Hermanville-sur-Mer, Normandie, 1999 »,
de la série « Littoralités » (Box 6x9)


« La mer ne rend pas intelligent mais elle empêche la bêtise. »

(George Perros, Poèmes bleus, 1985)


Et j'ajouterais que le bleu, ma couleur préférée, et celle de mes yeux qui me permettent de voir le monde, est aussi la plus rassurante et intelligente, ou la « moins bête ». Constat totalement subjectif dont j'assume complètement... la subjectivité, tout à fit contestable critiquable.


Photo Yannick Vigouroux,
« Self-portrait, 2008 »
(Sténopé numérique /Digital Pinhole)


J'aime le bleu des cyanotypes de Remi Guerrin, oui ; Une Histoire de Bleu de Michel Maulpoix (1992) aussi ; le « bleu Klein » ; le bleu des vitraux médiévaux ; celui de certaines toiles de van Gogh ou Soutine, de Matisse ; le bleu des azuleros portugais.. ; Bleu comme l'enfer de Philippe Djian (1982) ; « Les mots bleus » du chanteur Christophe ; le film Blue Velvet et l'album Blue Bob de David Lynch, ; le titre du dernier album de Alain Bashung Bleu Pétrole etc. Et le Blues bien sûr, je sais qu'il y a les bleus du corps et les bleus à l'âme, mais je ne me lasse jamais du bleu du ciel et du bleu de la mer...


J'aimerais
cyanotyper l'univers entier...


Je conseille vivement, outre les deux recueils de poèmes évoqués, la lecture de l'ouvrage de Michel Pastoureau, Bleu, histoire d'une couleur ( éd. Du Seuil, 2000).

lundi 19 mai 2008

« Cadavre de chien » par Laurent Chardon (Holga)

Photo Laurent Chardon,
« Sans titre, 2002 »
(Holga)



« Cher Yannick,

Comme tu le sais, je partage ta fascination pour ces chiens errants ou semi-domestiques (CF. http://fotopovera.blogspot.com/2008/05/mmories-of-dog.html)..


Une race de chiens, tous un peu semblables, que l'on retrouve tout autour du Monde et qui nous accompagnent lors de nos voyages.


Leur vie est bien différente d'un pays à l'autre. Cette sieste napolitaine me fait penser à des scènes que j'ai vu à Oulan-Bator, en Mongolie. Il n'est pas rare d'y croiser des cadavres de chiens allongés dans la même position. La population les chasse, le froid les congèle et les oiseaux, une sorte de corbeau, en font un festin. Triste sort...


Une vie de chien certainement plus agréable en Italie.
(Désolé pour cette note un peu morbide).

À bientôt ,

Laurent Chardon (13 mai 2008) »



« Salut Laurent !


Certes, comme tu l'écris, c'est un peu morbide, mais justement ton image illustre bien cette « fragilité de l'idéal » (CF. mon texte sur le cadavre de mésange bleu photographié dans un caniveau : http://yvigouroux.blogspot.com/2008_04_01_archive.html) qu'incarnent les animaux domestiques, ici décapitée, réduite à néant...


Yannick (13 mai 2008) »

mardi 13 mai 2008

« Mémories of a Dog »

Photo Yannick Vigouroux,
« Napoli, 2003 » (Holga)



« Clebs », « clébard », « cabot » etc. voilà des termes argotiques qui me plaisent beaucoup, dont la sonorité ne me lasse jamais (au même titre que « matou », et surtout « greffier » pour les chats, qu'utilise toujours ma voisine qui pourrait être ma grand-mère, Godelieve qui, elle, préfère, pour les deux catégories, parler de « bestiole à poils sur quatre pattes »... J'aime beaucoup cette appellation aussi désacralisante qu'affectueuse !).

Qu'ils soient spectraux et numériques comme ceux de Bruno Debon, tout aussi spectraux mais « réels » et argentiques comme ceux de Laurent Chardon, j'ai évoqué à plusieurs reprises ma fascination pour les chiens errants ou semi-domestiques...

Leur présence est récurrente, aussi, dans les photos de Pierryl Peytavi...



Photo Pierryl Peytavi,
« Le Chien qui pisse »



J'ai si peur depuis l'enfance des grands chiens, et surtout de ceux qui, efflanqués, attachés à une lourde chaîne (trop courte pour que le molosse puisse vous mordre, mais suffisamment longue pour dissuader le promeneur de toute intrusion...) , montent la garde à l'entre des fermes, j'éprouve une profonde tendresse pour les petits chiens que j'ai photographié si souvent à l'aide de mon Holga, de mon Diana ou de ma box 6 x 9, lors de mes voyages en Méditerranée. Ceux que je nomme mes « chiens de rencontre », tel ce petit chien à Majorque qui semble me guider, m'indiquer diligemment la voie de la mer que je souhaitais ce matin-là photographier...




Photo Yannick Vigouroux,
« Palma de Mallorca, 2002 »,
de la série « Littoralités »

(Box 6 x 9)



Dans Mémories of a Dog (Nazraeli Press / ViceVersa Vertrieb, 2004), dans lequel figure sa photo la plus connue (« Chien errant, Aomari, Japon, 1971) – et bien sûr, nombre d'autres photos remarquables de chiens –, Daido Moriyama revendique le point de vue d'un animal, en l'occurrence un animal appartenant à la race canine.

L'enjeu est de photographier de manière plus instinctive, moins intellectualisée : la pratique de ce Japonais, dont les photographies présentent un grain prononcé, au cadrage biaisé et heurté souvent (parfois Moriyama photographie en courant, sans viser...) n'est pas sans rappeler celle de Robert Frank, autre influence majeure, on le sais, de nombre d'adeptes de la Foto Povera...

Le « Chien errant » de Moriyama m'a d'ailleurs inspiré l'an dernier un début de nouvelle :


« Sur cette route de départementale isolée des Vosges, je freinais brusquement, pilais net. Plantée au beau milieu de la route, à une trentaine de centimètres seulement de mon pare-choc, l'animal aux poils laineux, qui ressemblait plus à un loup qu'à un chien domestique, tourna la tête vers moi et me fixa. Je ne perçu d'abord qu'un seul oeil vitreux, ouvert et hostile, chez cette créature âgée. En fait, comme je le découvrirai plus tard, il était borgne... » [à suivre ?...]


Il y a quelques mois, j'ai lu ces lignes :


« Un gros chien se tenait devant l'entrée, une grande bête noire, menaçante, qui grognait. Elle distinguait l'éclat de ses dents et de ses yeux. Il fallait qu'elle s'introduisse très vite à l'intérieur, elle le savait. [...] Le chien était contre un mur et la regardait, mais elle voyait maintenant qu'il ne lui ferait pas de mal. Sa queue balayait la poussière, et il était si maigre qu'elle distinguait ses côtes sous la fourrure noire, sale et râpée. Ses yeux fous brillaient. Il voulait qu'elle soit bonne envers lui. »

(Doris Lessing, « Debbie et Julie » in Nouvelles de Londres, 1992)


Mais aussi :


« Dans l'atmosphère de drame, ce chien a quelque chose d'inquiétant. Peut-être sa couleur d'un jaune sale ? Il est haut sur pattes, très maigre, et sa grosse tête rappelle à la fois le mâtin et le digue d'Ulm . »

(Simenon, Le Chien jaune)


Rien à voir cela dit avec ceux que j'ai photographié, en Italie par exemple, qui aiment se blottir dans des recoins ombragés ; inoffensifs, ils s'abandonnent à ce rassurant lâcher-prise si spécifiquement canin, ou félin...



mercredi 7 mai 2008

Les Polaroïds d'Emmily Shaw

Photo Emmily Shaw,
« Beach, 2 mai 2008 » (Polaroïd)




Emmily Shaw pratique principalement le Polaroïd amateur, on le sait, hélas, menacé de disparition. Elle aime dire qu'elle « fait de la photo pour s'amuser » ou si « elle voit quelque chose d'intéressant. » C'est donc avec une grande spontanéité et sans aucune prétention qu'elle aborde ses sujets. Ses récentes photographies de bords de mer sont particulièrement réussies.


La simplicité de ce rectangle blanc m'a frappé. J'aime cette économie radicale de moyens, cette façon d'utiliser la surexposition sans chercher l'effet spectaculaire (et donc facile...).


L'écume de l'océan a un aspect neigeux voire cotonneux qui évoque pour moi un espace originaire ou post-apocalyptique, comme si je contemplais la premier paysage vu par l'homme, ou au contraire le dernier...


Résultat d'une double exposition, ce monochrome ressemble à un palimpseste tremblé d'espace et de temps.


http://www.flickr.com/photos/23216626@N05/

vendredi 2 mai 2008

« Albergo Prati, Napoli, La Sieste » (Anne-Marie Grapton)

Photo Anne-Marie Grapton,
« Albergo Prati, Napoli, La Sieste, sept. 2008 »
(appareil numérique Kyocera)





La scène figée, légèrement floue, ressemble à une capture d'écran, au plan figé mais tremblé d'un film, ce que suggère - rappel cathodique - dans l'angle inférieur gauche, image dans l'image, l'écran de télévision allumé. Le miroir à droite fait contrempoint à celui-ci, autre écran ou fenêtre qui reflète partiellement l'intérieur d'une chambre d'hôtel. On devine seulement une lampe de chevet allumée, l'angle d'un lit.

Une douce lumière méditerranéenne et automnale baigne la chambre. Une lumière d'après-midi à Naples.


L'ambiance est rassurante ; c'est comme le titre l'indique, l''heure de la sieste.


Si l'image est légèrement floue, c'est par manque de lumière, mais aussi parce que la résolution de l'appareil numérique Kyocera utilisé est faible. Du manque, déficit, de qualité technique, nait un étrange effet de réalité, l'impression d'un doux flottement du regard, entre l'éveil et le sommeil.