« Liverpool, 1998 »
(Sténopé Pinhole & tirage charbon / C-Print)
« Un arbre solitaire dans la cour grise. Je traverse cette cour… Salle de classe aux cartables éparpillés. Les bureaux portent en clarté des triangles chauds. Quelques silhouettes se découpent devant la fenêtre. Des coquillages et du sable loin d’ici. Des gouttes de pluie dans la ville. Des graffitis sur un sac, des dessins qui se reflètent dans la vitre, des mots griffonnés sur un mur…
Le soleil a envahi toute la surface de la table. Une chaise devient de neige éclatante. Les feuilles de dessin entourent la salle de classe. Les rideaux sont baissés. Nous voyons les tuiles des toits, quelques arbres, quelques taches blanches qui se détachent de la grisaille. Je n’entends pas les paroles des élèves… Je saisis un mouvement , une main qui pose son crayon et suspend son geste.
J’inscrirai sur la feuille de papier le panorama qui s’impose à mes yeux. Chaque jour, je le vois, je le contemple. Mais quel est le regard que je pose sur lui ?
Le paysage s’éloigne et se rapproche de moi. Au cours de la journée qui s’écoule, au long des méandres de ma mémoire, chaque fois que je m’arrête et l’observe, quelque chose a changé.
Le sapin sur la gauche, triangulaire et sombre ; Un bâtiment avec deux portes ? deux fenêtres blanches ? qui se dressent verticales et austères.
Les buissons serrés s’alignent à l’horizontal. Une grille lance sur le sol des ombres qui dansent, des arabesques diaphanes et légères qui étonnent.
J’ aimerai accrocher mon vélo à cette barrière pour que les dessins des roues dansent aussi sur ce sol ondoyant. Des miettes de gomme, des poussières de crayon gris.
Un nuage blanc indéfini. Un nuage sombre aux formes étranges. Les toits s’alignent , pointus, se perdent dans l’horizon de la cité.
J’entends un klaxon de voiture, une sonnette de bicyclette, un rire dans le couloir. Dans la cour du collège, les élèves se rassemblent par petits groupes.
« Quelle heure est-il ? « - Dead – Ghetto - , des mots gravés comme des signes de reconnaissance. Salle de classe à la vitre quadrillée. Entre les feuilles scotchées, quelques intervalles vides où l’on entrevoit des visages curieux, attentifs, observateurs ou rêveurs. L’image devient un mot. Le mot est une image.
De fenêtre en fenêtre, chaque chose vue se sépare de moi ; le rythme que je capte n’est plus le mien mais celui de tous autour de moi.
Perspectives d’ombres chinoises aux doigts dénoués, deux lunes qui se croisent comme un sigle, nouvelle lettre d’un alphabet imaginaire. Un mur gris… Plus loin, un immeuble aux fenêtres fermées. Traverser la route, attendre, regarder ces deux lunes blanches comme un mot inachevé et tracer leurs contours avec mon index… Je crois que si je regarde cette image à l’envers, j’y verrai comme dans une flaque d’eau.
Au loin, dans le lointain, bientôt on entendra la sonnerie… Et si tout ceci n’était qu’un jeu, la grille ouverte ou fermée, le stylo qui n’a plus d’encre, le crayon brisé, le feutre sur le tee-shirt… Et si tout ceci n’était que rite d’enfance ? marcher, photographier, se tenir immobile devant le sténopé. Poser, se reposer…
Une perspective ondoyante et patiente transforme l’espace…. Il pleuvine sur le jardin des images… Il est difficile d’apprendre à s’immobiliser sans se figer. Les dessins, les mots, les rêves des élèves appartiennent à la mémoire du vent ;
Salle de classe à la fraîcheur blanche. Sur le tableau noir s’inscrit en lettres blanches :
"Il est six heures" »
(Véronique Guerrin)
http://www.flickr.com/photos/remiguerrin/
Réseau espaces-rencontres avec l'oeuvre d'Art ( EROA )
Exposition Remi Guerrin et Atelier Sténopé
EROA Collège Pierre Mendès France
19, rue de Soissons
59200 Tourcoing
Du 17 mars au 4 avril 2008
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