jeudi 20 mars 2008

Les tours et détours, mauvais-tours des circuits touristiques (à propos d'une « Littoralité » tunisienne)

Photo Yannick Vigouroux,
« Tunisie, 2000 »,
de la série « Littoralités » (Box 6x9)


Ce fut, lors de notre séjour à Djerba , en Tunisie, en 1999, le seul parcours en bus « touristique » auquel Anne-Marie et moi, ainsi que sa mère, consentîmes. Peut-être avons-nous participé à un ou deux autres parcours, je ne sais plus exactement. Mais celui-là m'a tout particulièrement marqué.


L'on nous avait promis, entre autres, de nous montrer la célèbre et millénaire « voie romaine » ; mais qu'y avait-il à voir en réalité ?...


Rien, sinon une route goudronnée, identique à toutes les routes goudronnées du monde. Plate et ennuyeuse.


En revanche la plage et la lumière étaient magnifiques. Comment résister à la tentation de photographier cela ?


Je quittais donc rapidement et discrètement le groupe qui lui semblait vraiment captivé sinon fasciné (mais quand les choses sont « organisées » et « programmées » elles sont forcément intéressantes non ?) , et tournant le dos à ce qui était le but « sacro-saint » de ce voyage, ne me sentant décidément pas une âme d'archéologue, en tout cas pas d' « archéologue du bitume », et manquant peut-être ce jour-là d'imagination, je découvrais ce mur recouvert d'une fresque de dauphins, pointant vers la mer.


Je me suis souvent dit, depuis que j'ai commencé à photographier à la fin des années 1980, qu'il serait peut-être judicieux de s'intéresser systématiquement, après s'être concentré sur le sujet de la prise de vue, à ce qui existait derrière. Je ne l'ai jamais fait de manière systématique, mais parfois oui... Surtout lorsque le sujet principal, comme ce fut le cas alors, ne valait vraiment pas, selon moi, le détour.


Je l'ai donc photographié, ce muret que les autres ignoraient, avec ma box (la route pas du tout), et j'ignore toujours quelle valeur il possède ou non dans l'histoire de l'art et de l'humanité. Peut-être aucune ?

Pour un adepte de la Foto Povera cela importe peu, même si la visite et les photographies que j'ai prises avec le même appareil du site de Pompéi (en 2003) m'a beaucoup ému, tout comme celles d'Herculanum plus récemment (en 2007).



Photo Yannick Vigouroux,« Pompéi , 2003,
de la série « Littoralités » (Box 6x9)


Mais le photographe n'est dans ces cas-là pas confronté à de prosaïques et ennuyeux chemins trop balisés... et bitumés ! Il découvre alors un fascinant théâtre d'ombres et de lumières, rencontre des murs bien conservés, restaurés, ou au contraire lépreux, très dégradés, à la limite de l'effondrement et soutenus par d'épaisses attelles de bois, auxquels il est difficile de rester insensible...


Voilà ce que j'écrivais à ce sujet l'an dernier :

« J’ai abordé Pompéi comme un théâtre d’ombres mentales, une construction fantasmatique. Paradoxalement, c’est la destruction de la ville qui a sauvé celle-ci de l’oubli. Les laves du Vésuve l’ont embaumée ; elle est en elle-même une vaste momie comme les moulages des corps contorsionnés tentant en vain de se protéger des fumées asphyxiantes. Mais des moulages en creux, car c’est dans le vide laissés dans le sol par les corps que les archéologues coulent du plâtre pour sauver les fantômes des corps. Pratique troublante de révélation d’une présence par son absence, remarquablement évoquée par Roberto Rossellini à la fin du Voyage en Italie (1954).

Dans une série de cartes postales vendues à la sortie du site, la légende italienne d’une photo, « Calchi di fuggiaschi in un orto », est traduite dans un français très approximatif par « Calques de fugitifs dans un jardin ». J’ai justement retrouvé, du fait du coup de flash mal synchronisé au temps de pause, ce « calque » humain, cette transparence fantomatique – certaines personnes apparaissent deux fois, se dédoublent – dans certaines photos de rue prises à Naples avec mon appareil Holga… »

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