mercredi 2 janvier 2008

Les « Fenêtres » de Pierryl Peytavi

Photo Pierryl Peytavi, « Fenêtre n°3, 2003 », tirage argentique


La série des « Fenêtres » de Pierryl Peytavi présentent de fortes affinités avec nombre de travaux de la Foto Povera., et, notamment... le mien. Si le photographe utilise un boîtier reflex traditionnel, « sérieux », les enjeux esthétiques sont proches, me semble-t-il, de ceux de mes propres « Fenêtres / Windows », réalisées avec un sténopé numérique.


Dans les photos de Pierryl Peytavi, les distorsions naissent de la surface certes plate (contrairement aux miroirs déformants des fêtes foraines, et qu'utilisa André Kertész pour réaliser ses « Distorsions »), mais brouillée par toutes sortes d'accidents et d'éléments parasites : poussière, gouttes de pluie, buée, cassures dans le verre, morceau d'adhésif etc. Une voiture semble ainsi augmenter de volume, est déformée par les caprices d'une perspective indécise. La fenêtre n'est plus seulement cette surface transitionnelle, intermédiaire, entre l'extérieur et l'intérieur. Elle s'affirme chez Pierryl comme un écran projectif, une matrice d'images mentales. Certaines vitres évoquent justement ces plaques de cuivre, ou de bois sur lesquels le papier est fortement comprimé à l'aide d'une presse pour obtenir une gravure, une lithographie etc. Ce n'est pas un hasard si Nièpce, l'inventeur de la photographie était justement un graveur qui voulait obtenir les meilleurs reproductions d'oeuvre d'art à l'aide du bitume de Judée, et s'il choisit la vue de sa fenêtre comme sujet de son premier cliché ! Une fenêtre originaire, qui évoque beaucoup le principe de la camera lucida. Dans les images de Pierryl, es rectangles lumineux semblent hésiter, sans cesse, entre la transparence et l'opacité : l'image semble se former sous nos yeux, révélant peut-être plus ce qui se passe à l'intérieur qu'à l'extérieur. La lumière semble provenir autant de la pièce que du dehors, dont les éléments sont de toute façon, le plus souvent, en partie ou totalement « illisibles ».


D'autres images ressemblent à des blocs de verre figés emprisonnant d'énigmatiques et capricieux signes caligraphiques, ou encore ces morceaux d'ambre qui retiennent prisonniers les insectes depuis la Préhistoire, et que Günther Grass, que je suis tenté de citer à nouveau ici, utilise comme métaphore de la mémoire : les souvenirs (des images mentales donc) sont encapsulés dans le bloc transparent (Pelures d'oignon, 2006).


Grains argentiques ou pixels numériques, boîtier classique ou sténopé, mes fenêtres et celles de Pierryl n'encapsulent pas seulement des souvenirs, elles sont des matrices, des fabriques d'images translucides en devenir...

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