« Anne-marie, Paris, 1999 »,
de la série « Fragments quotidiens »
( 4 Polaroïds 600 noir et blanc)
Longtemps, au début des années 1990, alors que j'étais encore étudiant à l'ENSP d'Arles, j'ai rêvé d'un film Polaroïd amateur en noir et blanc, qui apparut finalement durant cette décennie, et disparut, à ma connaissance, très vite.
Un minuscule carré rempli de noirs froids, aux profondeurs bleutées, brillantes lisses et insondables.
Pendant de nombreuses années de ma vie, j'ai eu le sentiment de ne pouvoir écrire, mais aussi « écrire avec la lumière » (faire des photos) que des choses courtes, qui ne me prennent que peu de temps, et ne me coûtent que peu d'argent. Comme le confie le novelliste américain Raymond Carver dans Les Feux.
Faire des Polaroïds, c'était pour moi comme écrire une nouvelles de 2, 3 ou 4 ou 6 pages maximum. Et non élaborer une série composée de nombreux tirages de grand format, difficile à transporter, financer etc. Des micro-fictions intimes. Simples, dépouillées formellement, et efficaces.
Le film était certes coûteux (en apparence). Mais, dans l'investissement non déraisonnable de départ, pouvait très vite et facilement se suffire à lui-même, monté dans son châssis ou directement fixé au mur lors d'une exposition, comme ce fut tant l'usage dans les années 1980.
Cela explique, entre autres, ma prédilection pour le Polaroïd, avant la salutaire apparition du numérique : je pouvais faire des images sans posséder l'espace du laboratoire, sans boîtier coûteux ; à l' « arrachée », à la « va comme je te pousse », prenant peu de place, faciles à stocker pour un « nomade » (malgré lui). Je ne cessais en effet de déménager mes affaires de Vincennes où j'accomplissais mon Service national en tant que photographe, le logement exigu d'un ami qui m'hébergeait ponctuellement dans son logement exigu du XVIIIe arr. de Paris, puis la chambre de bonne encore plus exigüe que j'occupais par la suite dans le XIIIe arr. Accumuler des Polaroïds qui tenaient dans les petites boîtes d'emballages de leurs châssis était bien pratique.
Est née, de ces circonstances notamment , et de ce parti pris d'économie de moyens et d'espace, la série « Fragments intimes », cette fois dans le XIIe arr. Et avec la complicité d'Anne-Marie.
Cette série recourt souvent, mais pas exclusivement, au film Polaroïd 600 noir et blanc, et au principe, mais pas exclusivement non plus, du polyptyque, qui ancre d'emblée les images, que le déroulement soit ou non séquentiel (comme au cinéma ou dans la bande-dessinée), dans une logique narrative, du fait de la « contamination positive » qu'elles entrainent entre elles...
Tels que je les ai pensés dans leur agencement, et à cause des angles de prises de vue déformants souvent adoptés (plongées et contre-plongées etc.), les polyptyques rendent compte du quotidien sous la forme de diverses aberrations perspectivistes, introduisant dans les situations ordinaires une atmosphère que j'espère fortement onirique.
J'ai eu récemment recourt à nouveau à la même logique, désormais avec un appareil numérique, pour réaliser les diptyques des « Amoureux du métro parisien » (http://fotopovera.blogspot.com/2008/03/les-amoureux-du-mtro-parisien-est-ce-de.html) et l'autre diptyque publié dans l'autre blog (http://yvigouroux.blogspot.com/2008/04/plaidoyer-pour-le-mtro-doris-lessing.html).
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