jeudi 22 novembre 2007

La Foto Povera et la photographie d'amateur


Anonyme, "Je suis sérieux et j'y penses [sic],
Labesse [sic], juillet 1967."
(Coll. Yannick Vigouroux # 699)
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Photo Yannick Vigouroux, "Mascarade nocturne de Juliette, 2004."



Parfois, c'est avant tout la légende au dos du tirage qui fait « fictionner » la photo. En tout cas renforce, quand elle ne contredise pas, au contraire, le contenu strictement visuel . « Je suis sérieux et j'y pense. » a écrit pour lui-même, ou pour son/sa destinataire, l'homme qui se tient appuyé sur une barrière en bois. La pose est en effet plutôt guindée et hiératique. Est-ce cela le « sérieux », et la « pensée », l' « idée » du sérieux » ? Faut-il comprendre la phrase au second degré ? Je l'ignore, mais l'individu se concentre avec une réelle conviction sur l'idée du « sérieux » ; il tente, à l'évidence, très sérieusement ou plus ironiquement, de l'incarner... Sans gravité toutefois, car on le sait, la « gravité » est le sérieux des imbéciles. Des prétentieux en tous genres.


Je n'avais encore aucune connaissance du texte lorsque j'ai chiné la photo. Je n'ai découvert la légende qu'après coup, une fois rentré chez moi. Sur la brocante, je n'avais eu que l'intuition de cela, j'avais perçu ce que « disait » l'image, d'une manière encore floue, tout à fait confuse au milie de autres clichés que j'ai acheté. Et cet homme, qui est pour moi un parfois inconnu, qui pourrait être en vie aujourd'hui (cette photo est plutôt récente) m'est sympathique, bien que j'ignore tout de sa vie et presque tout de sa personnalité : je sais seulement qu'il avait envie, grâce à la photographie, dans sa tenue vestimentaire décontractée mais pas négligée non plus, simplement classique et néanmoins confortable, d'incarner, sérieusement ou non, l'idée du sérieux.


J'avais envie de confronter ce portrait à celui de mon amie Juliette - l'une des artistes ayant participé, avec ses photos prises au Holga, au collectif Foto Povera. Posant masquée et bottée sur la butte Montmartre pour une mascarade nocturne, Juliette ne se concentre pas du tout sur l'idée du sérieux. Ce serait contraire à l'idée qu'elle se fait de la pratique photographique ! Au milieu de plusieurs prises de vue, j'ai déclenché trop vite, ne laissant pas le temps au flash de mon Nikon AF compact de se recharger. Il en résulte ce flou que j'aime beaucoup. Si l'amateur aime s'approprier les conventions de la photographie professionnelle (l'on doit être parfaitement net lorsque l'on prend la pose), j'aime utiliser les mêmes boîtiers que lui pour obtenir... le contraire.

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